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C’est avec ces intéressans commentaires, où l’on reconnaissait un esprit habitué aux déductions historiques, que M. Worsaae croyait pouvoir rendre compte, pour sa part, des travaux de la commission instituée par l’Académie des sciences de Copenhague, quand son collègue, M. Steenstrup, ne voulant pas se départir de la rigueur des sciences naturelles, lui a refusé son assentiment. Mis en demeure de produire ses argumens, il les a exposés dans un curieux travail dont la publication est toute récente[1]. M. Worsaae avait vu à tort, suivant lui, dans les kioekken-moeddinger une époque plus ancienne que celle des chambres sépulcrales. Si les objets en pierre qu’on trouvait ici étaient en général mieux exécutés et moins grossiers que les autres, c’était par la raison très simple que les outils grossiers de la vie de chaque jour devaient être d’une exécution inférieure à celle des armes et des objets plus précieux qu’on laissait au mort pour sa vie souterraine. De plus, comparant aux silex trouvés dans les kioekken-moeddinger ceux qui servent encore aujourd’hui aux Gronlandais, M. Steenstrup croyait pouvoir affirmer que ce qu’on avait pris bien souvent pour des pointes de flèches et pour des armes tranchantes n’était autre, chose que, des instrumens de pêche, des poids pour faire plonger au fond des eaux les hameçons et les filets. — À ces nouveaux argumens et au nouveau système de M. Steenstrup M. Worsaae, répondra sans doute, et ainsi commence, sur ces questions, d’origines fort discutées aujourd’hui, un nouveau débat qui aura du retentissement à Londres, à Abbeville et à Genève, autour des anciennes cités lacustres, car l’archéologie Scandinave commence à être de mode en France, en Angleterre et en Suisse. À Londres surtout, on fait des meetings pour et contre les générations humaines qui ont dû précéder Adam. Il y a des grognemens contre le savant évêque d’Oxford soutenant dans ces discussions l’autorité biblique ; le crâne du gorilla donne des hallucinations à la vieille Angleterre… M. Steenstrup et M. Worsaae n’ont qu’à se bien tenir pour ne pas laisser passer les rêveries scientifiques.


II

La méthode suivie par les archéologues suédois dans ces derniers temps n’est pas la même que celle de leurs voisins. À tort ou à raison, ils ne multiplient pas les fouilles ; le nord Scandinave possède

  1. Extrait du Compte-rendu de l’Académie des sciences (en danois). On trouvera dans ce recueil toute la discussion.