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que de la société, va en augmentant d’une manière continue, et que cette progression a pris le caractère de l’accélération la plus prononcée depuis une date qui remonte à peine à un siècle.

La puissance productive de l’homme détermine celle de la collection organisée des individus, qui est la société. La puissance productive de la société est à sa richesse ce que la cause est à l’effet. À proprement parler, les deux ne font qu’un. La richesse de la société, c’est tout ce qu’on y trouve d’échangeable par voie d’achat ou de vente, et qui par conséquent répond à quelqu’un des besoins de l’homme. L’or et l’argent, que le vulgaire regarde comme la richesse principale, l’unique richesse, ne sont dans la richesse de la société qu’un accessoire, accessoire important toutefois, en ce qu’ils servent de dénominateur commun pour exprimer la valeur de tous les autres objets. Plus une société a de puissance productive et plus chaque année elle crée de richesse, plus est grande par conséquent la quantité des objets de toute sorte applicables aux besoins divers de ses membres, qu’elle peut tous les ans répartir entre eux, — les rendant par cela même plus riches ou moins malaisés.

Pour écarter toute équivoque, et, autant qu’il dépend de moi, toute obscurité, j’essaie d’indiquer le sens précis de ces mots : la puissance productive.

Par là nous entendrons, pour chaque industrie, la quantité de produits d’une qualité spécifiée que rend le travail moyen d’un homme dans un laps de temps déterminé, comme serait une journée ordinaire de travail. On pourrait tout aussi bien prendre une année. Ainsi, dans l’industrie du fer, si une forge composée de cent hommes, faisant les diverses opérations, en partant de la fonte brute jusqu’à la livraison des barres d’un échantillon fixe, produit dans l’année 10,000 tonnes de fer ou 10 millions de kilogrammes[1], la puissance productive de chaque homme sera de 100 tonnes par an, ou, en supposant trois cents jours de travail, de 333 kilogrammes par jour. Si, au lieu d’une forge, on considère un atelier de filature, la puissance productive de l’homme pour cette industrie se déterminera pareillement en divisant le nombre de kilogrammes de filés de coton d’un certain numéro, comme serait le n° 40, produits dans une année ou dans un jour moyen, par le nombre des personnes adultes[2] travaillant dans l’atelier. En ces termes, la notion de la puissance productive de l’individu, et par

  1. Je prends ce chiffre uniquement pour la commodité du discours.
  2. On compterait un certain nombre d’enfans comme une personne adulte. Pour donner au calcul une plus grande exactitude, on convertirait de même les journées de femmes en journées d’hommes d’après la différence de l’ouvrage fait par les travailleurs des deux sexes.