Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore qu’ils ne pouvaient assigner à leurs principaux monumens de l’âge de fer une date plus ancienne que les, VIe et VIIe siècles après Jésus-Christ (de récentes découvertes ont modifié ce résultat), que leur âge de bronze paraissait avoir été identique et simultané avec l’âge pendant lequel les Celtes ont dominé l’Europe occidentale et centrale, enfin que l’âge de pierre était évidemment le plus ancien mais qu’il avait dû trouver place dans des temps anté-historiques auxquels il était impossible d’assigner aucune date, même approximative. Se conformant d’ailleurs aux règles d’une critique sévère, ils s’appliquaient surtout à multiplier les fouilles en vue d’observations de détail et à découvrir de nouvelles sources d’exploitation dans des conditions diverses.

C’est au milieu de ces recherches qu’ils ont rencontré les ioek-ken-moeddinger. Cette désignation, composée de deux mots danois, signifie débris ou rebuts de cuisine, et elle s’applique à de vastes amas de décombres qu’on trouve maintenant en grande quantité sur les bords de la mer ou des eaux en Danemark, quelquefois à une certaine profondeur au-dessous du sol moderne, et qui sont les témoins de la vie des tribus primitives sur ces bords. Ils contiennent en effet les débris de leurs alimens, les huîtres en nombre immense, es ossemens d’animaux ouverts longitudinalement pour en extraire la moelle, mets fort recherché encore aujourd’hui des Gronlandais et des Lapons, les fourneaux et la poterie grossière dont se servaient ces peuples, enfin leurs instrumens et leurs armes en silex habilement équarri. Ces amas de débris sont devenus eux-mêmes de vastes musées à l’aide desquels la science des antiquaires a restitué toute une époque de civilisation primitive.

Trois excellens observateurs se sont unis pour cette commune étude : M. Steenstrup, professeur de zoologie à l’université de Copenhague, connu du monde savant par ses beaux travaux sur les générations alternantes et sur la formation des tourbières ; M. Forchhammer, professeur de géologie à la même université, le même qui a fait récemment encore d’importantes études sur les landes et les dunes de sable dont la côte occidentale du Jutland est couverte, comme la côte sud-ouest de notre France ; M. Worsaae enfin, dont le nom est familier désormais à tous les archéologues, témoins de son infatigable activité, de son habile exposition par la parole ou la plume en diverses langues, et de sa finesse de démonstration. La commission spéciale formée par l’heureuse union de ces deux naturalistes et de cet archéologue a laissé la parole, dans les rapports présentés en son nom à l’Académie des sciences de Copenhague, à M. Steenstrup, et c’est lui en effet qui semble avoir donné sur les kioekken-moeddinger les plus remarquables observations.