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a réalisé dans le cours des âges et de l’accomplir lui-même sur les croyances qu’il avait reçues de ses maîtres ; qu’importe après tout ? Il en a gardé d’autant plus pure la moelle de la religion, il n’en a défendu qu’avec plus de vigueur et de franchise l’intime esprit du christianisme. » Il est impossible en effet de méconnaître chez Fallmerayer, comme chez beaucoup d’âmes loyales de nos jours, deux inspirations très opposées : d’un côté un esprit de défiance amère et agressive contre l’organisation extérieure de l’église, de l’autre cette force morale, cette élévation religieuse, ce spiritualisme lumineux et tendre que le christianisme inspire encore à ses adversaires, quand c’est le hasard de l’éducation et non l’impiété du cœur qui les a éloignés de ses dogmes.

Les événemens politiques l’arrachèrent bientôt à ses études. C’était en 1813. Les colères du patriotisme allemand venaient d’éclater contre Napoléon avec une irrésistible énergie. La Bavière, qui nous devait tant, ne put se soustraire à cet entraînement général. Après les batailles de Lutzen, de Bautzen, de Dresde, elle se détacha de la confédération du Rhin, en même temps que nos autres alliés, le Wurtemberg et la Saxe, et suivit l’Autriche, comme l’Autriche avait suivi la Prusse, comme la Prusse avait suivi le formidable élan de la nation. Aussi ardent que ses camarades des universités du nord, Fallmerayer s’enrôla sans hésiter, et le général Wrede, qui se connaissait en hommes, fit tout d’abord de l’étudiant de Landshut un lieutenant d’infanterie. Cette confiance du chef fut bientôt justifiée. Le 30 octobre, à la bataille de Hanau, où l’armée bavaroise fut culbutée par l’empereur, le jeune lieutenant fit si vaillamment son devoir qu’il fut mis à l’ordre du jour. Il se distingua encore en 1814 : il était à Brienne, à Bar-sur-Aube, à Arcis-sur-Aube, et, sous les terribles coups que frappait le grand capitaine, son ardeur ne faiblit pas un instant. N’était-ce pas un engagement sacré d’avoir pris part à de telles luttes ? La gloire de nos soldats n’était-elle pas une consécration pour les hommes qui se mesuraient avec eux ? Exalté par ces épreuves, Fallmerayer eut la pensée de se vouer décidément à la carrière des armes. Après la première paix de Paris, il fit partie du corps d’occupation, et passa toute une année sur la rive gauche du Rhin, entre Spire et Landau. À la reprise des hostilités, en 1815, il était capitaine d’état-major ; mais la campagne se termina trop tôt pour qu’il y jouât un rôle actif. Entré en France avec les alliés et attaché comme officier d’ordonnance » à la personne du comte de Spreti, général de brigade, il séjourna plusieurs mois dans une maison de campagne aux environs d’Orléans, fort bien reçu, à ce qu’il paraît, et tout heureux d’apprendre non-seulement les finesses de la langue française, mais aussi les traditions de politesse, d’élégance, de culture sociale, qui se renouent si vite sur notre sol au