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quiza lui-même, son ancien ennemi, à quitter la province d’Entre-Rios, dont il demeurait gouverneur, et même le pays ; elle s’est arrêtée pourtant devant la résolution manifestée par Urquiza de se détendre à outrance s’il était attaqué ; elle s’est contentée d’une victoire qui, telle qu’elle est, suffit bien, puisque par suite de ces événemens elle est devenue la tête de la république.

C’est à Buenos-Ayres en définitive que s’est réuni le congrès général de la république argentine le 25 mai de cette année. Le congrès a eu tout d’abord deux questions à résoudre, celle de l’élection d’un président et celle du choix d’une capitale. L’élection doit être faite aujourd’hui, et l’élu est sans doute le général Mitre, homme d’ailleurs intelligent, qui a été le chef habile et heureux de cette révolution. Quant au choix d’une capitale, la question a été débattue avec une vraie passion, et elle a fini par rester indécise. De projet en projet, on en est venu à ajourner la solution à un an, et en attendant le pouvoir national reste à Buenos-Ayres, Un an, c’est beaucoup, et le tout est de savoir si Buenos-Ayres saura user avec sagesse, avec intelligence de sa victoire, si une réaction ne se fera pas dans les provinces, si enfin ce ne sera pas une révolution appelant d’autres révolutions, comme il est arrivé si souvent dans le passé.

Nous ne pouvons terminer ces lignes sans appeler les regrets de nos lecteurs sur la mort d’un des plus anciens collaborateurs de la Revue, M. Charles Magnin. La carrière paisible et modeste de M. Magnin s’est terminée prématurément dans les obscures, mais honorables fonctions de conservateur de la Bibliothèque impériale ; mais elle avait eu les débuts animés qu’offrait a profession des lettres dans les années qui ont précédé et suivi 1830. M. Magnin fut alors un des collaborateurs littéraires distingués du Globe et du National. Nos lecteurs n’ont point oublié ses ingénieux et délicats travaux sur la littérature dramatique. Ces œuvres, d’une érudition franche de tout pédantisme et où l’exactitude des recherches s’unissait à l’élégante finesse de la forme, attacheront le nom de M. Magnin à l’histoire littéraire de ce siècle.

E. FORCADE.


ESSAIS ET NOTICES.

LA VIE DE VILLAGE EN ANGLETERRE.

Le public sérieux a été extrêmement frappé, il y a quelques années, d’une étude sur la vie et les œuvres du pasteur américain Channing, publiée sans nom d’auteur, mais avec une préface de M. de Rémusat. « L’Auteur de ce livre, disait M. de Rémusat, est une dame anglaise qui ne veut ni qu’on la nomme ni qu’on la loue. » On a été généralement surpris qu’une étrangère écrivît si bien en français, mais on n’a pu douter un seul instant du fait : à la grâce du style, tout le monde a reconnu une femme, et à la fermeté de la pensée une Anglaise. Chamiing est un sage assurément, mais