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qu’augmenter les horreurs de cette guerre en reconaissant la confédération du sud, comme on les y invite au mépris de leurs principes. Puisque les fédéraux et les confédérés ont remis à la force la décision de leurs différends, il faut laisser la force prononcer entre eux, car son arrêt seul, si cruel qu’il soit, peut être efficace.

Il ne nous arrive pas souvent de parler de l’Amérique espagnole. Le Mexique seul a eu depuis un an le privilège d’attirer l’attention par toutes les péripéties d’une expédition européenne fort contrariée. Ce n’est pas néanmoins que, dans le reste de cet immense monde hispano-américain, dont le Mexique n’est que la partie la plus septentrionale, les questions mantiuent. Des révolutions démocratiques ou conservatrices, des guerres civiles, des excès, des dictatures éphémères, il y en a toujours et partout en Amérique, de l’isthme de Panama à la Terre de Feu et au cap Horn. Au Venezuela, la guerre est depuis deux ans entre oligarques et fédéraux, les premiers maintenant une ombre de pouvoir à Caracas, les seconds répandus en armes dans les provinces. C’est le vieux général Paëz qui, après bien des évolutions, est devenu le dictateur au nom du parti oligarque, tandis que ses adversaires les fédéraux sont conduits par leurs chefs habituels, les Monagas, le général Sotillo, le général Falcon. Les deux partis ne sont d’accord que sur un point : ils rivalisent d’excès, dont les intérêts étrangers sont les premiers à souffrir le plus souvent. Dans la Nouvelle-Grenade, c’est un ancien président conservateur, un homme d’une des principales familles du pays et autrefois considéré, le général Mosquera, qui s’est fait le chef d’une insurrection démocratique, a renversé les pouvoirs légaux, est entré à Bogota et y règne en vrai petit despote, ne reculant devant aucune violence, appelant à son aide les emprunts forcés et les exécutions sanglantes. Ses adversaires les conservateurs, dirigés par le président légal, M. Julio Arboleda, répandus au nord et au sud, soutiennent encore la lutte, et ont plus d’une fois serré de près le dictateur de Bogota, qui redouble d’excès toutes les fois qu’il se sent menacé. On n’aurait qu’à parcourir l’Amérique pour faire le plus étrange voyage à travers toutes les variétés de l’anarchie. On ne trouverait la paix, une paix relative, qu’au Chili, où, dans l’année qui vient de s’écouler, le pouvoir a changé de main sans commotion, et c’est bien quelque chose, il faut en convenir, qu’un pays en terre américaine où depuis trente ans il n’y a eu que trois présidens périodiquement réélus autant que la constitution le permettait, et remplissant leur mandat jusqu’au bout. Il y a même ceci de curieux que le président actuel, M. José-Joaquin Perez, a été élu à l’unanimité, par une sorte de transaction entre conservateurs et libéraux.

Une des contrées américaines les plus éprouvées depuis longtemps par l’anarchie, on le sait, est la région de la Plata. Il y a dix ans que disparaissait dans une révolution un homme, dictateur redouté qui résumait en lui toute la politique et dominait de son influence terrible tout ce groupe d’états, tenant directement sous son joug Buenos-Ayres et la république argen-