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maintenant le lien entre l’Orient et l’Occident, lien brisé pendant si longtemps, c’est à eux qu’il faut attribuer cet accroissement remarquable. Les Grecs de nos jours ont plus que tout autre peuple l’ardeur de la science et du progrès, et ils ont porté le talent des entreprises commerciales à un degré de perfection presque inconnu jusqu’ici dans l’histoire du monde. C’est ce mouvement commercial, qui procède des Grecs, qui a fait l’augmentation quotidienne dans la consommation de nos marchandises en Turquie. Nos marchandises, exportées principalement par des maisons grecques à Alexandrie, à Beyrouth, à Smyrne et à Constantinople, sont rembarquées sur des navires grecs qui vont les distribuer dans les nombreux ports de l’Asie-Mineure et dans les îles de l’archipel ottoman, »

Quelle différence de vues entre l’école politique et l’école économique! L’école politique déteste en Orient tous les Grecs et cherche à les abaisser, tant ceux du royaume hellénique que ceux qui sont restés sujets de la Porte-Ottomane. Elle regarde comme un jour malheureux le jour où la Grèce est ressuscitée, et elle prend l’activité commerciale et maritime des Grecs comme un danger pour le commerce et pour la marine de l’Angleterre; mais elle a beau faire, elle ne peut pas anéantir les Grecs, elle ne peut que s’en faire des ennemis. En dépit de l’école politique, les Grecs se sont emparés du commerce de l’Orient; ils en sont les agens les plus laborieux et les plus intelligens. Au lieu de bouder contre ce fait et d’essayer de le détruire, l’école économique le reconnaît et l’accepte. Elle a compris pour le commerce et pour l’industrie l’emploi que la Providence a réservé aux peuples intermédiaires entre l’Europe et l’Asie. Ils doivent servir de liens et de transition entre l’Orient et l’Occident; ils sont les commissionnaires et les entrepositeurs prédestinés du monde. Ils l’ont été dans l’antiquité, ils doivent l’être aussi dans l’ère moderne, et vouloir leur ôter le rôle que la nature leur a donné, c’est s’attaquer à la force des choses. Or la loi qui s’applique au commerce et à l’industrie, au profit des peuples intermédiaires, la loi que l’école économique a comprise, s’applique à plus forte raison à la politique. L’ignorance et le dédain systématique que lord Palmerston fait de cette loi éternelle de l’histoire ne l’anéantiront pas. Les chrétiens orientaux, les peuples intermédiaires entre l’Orient et l’Occident doivent avoir leur place et leur rang dans le monde. Ils l’auront, quoi qu’on fasse. Pourquoi donc l’Angleterre politique ne se prête-t-elle pas à la destinée que Dieu leur a faite? L’Angleterre économique s’y prête de bon cœur. Elle se ménage d’avance sa part dans l’Orient nouveau qu’elle voit se faire. Pourquoi l’Angleterre politique ne suivrait-elle pas cet exemple? L’Angleterre en ce moment est