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dresse l’obélisque de Rhamsès II, et deux inscriptions latines à sa base nous apprennent, l’une antique qu’Auguste, pontifex maximus, l’a fait venir d’Héliopolis, l’autre que Sixte-Quint, pontifex maximus également, l’a fait apporter là du Grand-Cirque fondé par Tarquin l’Ancien et reconstruit par Jules César. À gauche de l’obélisque s’élèvent en terrasses qui se croisent les rampes de la promenade du Pincio, sorte de façade de marbre et de verdure à laquelle correspond du côté droit un placage d’architecture et de sculpture qui suffit à la symétrie. Au fond de la place, en face de l’entrée, s’ouvrent, en patte d’oie régulière, trois rues, les plus belles peut-être de Rome. Celle du milieu ou la principale est le Corso, qui s’ouvre flanqué de deux églises toujours sous l’invocation de la Vierge. Leurs coupoles et leurs façades se répondent sans se répéter. Place, églises, promenades, tout est moderne et gai d’aspect. Si le temps est beau, tout est animé par des centaines de touristes, plus ou moins anglais, qui, à cheval ou en calèche, vont gravir la promenade du Pincio ou passer la porte et monter immédiatement, en tournant à droite, à la villa Borghèse. On peut se croire dans une ville d’eaux thermales ou de bains de mer en voyant tant d’oisifs dépenser leur argent et leur temps à se réchauffer au joyeux soleil du midi ; mais qui se douterait qu’il a devant les yeux la Niobé des nations ?

Je suppose que nous avons pris gîte dans quelqu’une des comfortables auberges où nous conduira la plus à gauche des trois rues, c’est-à-dire aux environs de la place d’Espagne ; mais, dans notre soif archéologique, nous n’avons rien de plus pressé que de regagner le Corso et de le suivre d’un bout à l’autre ; c’est-à-dire que nous parcourons du nord au sud, à peu près dans toute sa longueur, la Rome habitable, la Rome des voyageurs, la Rome du XIXe siècle. Ici il faut s’attendre à dire comme feu mon honorable collègue M. Fulchiron, auteur d’un instructif voyage en Italie : « On doit l’avouer, Rome a un air provincial. » La ville des césars n’a rien d’auguste. Le Corso n’a gardé nul souvenir de la voie Flaminia. Ce n’en est pas moins la plus longue et la plus grande rue de Rome, quelque chose comme la rue Saint-Honoré un peu rétrécie, deux files de boutiques et de cafés entremêlés d’églises et de palais. Les cafés sont un peu sombres, les magasins aussi malgré un étalage assez souvent brillant. Les églises les plus importantes n’intéressent guère plus que Saint-Roch, excepté Santa Maria in via lata. Sa jolie façade passe pour le chef-d’œuvre de Pierre de Gortone, et l’on dit qu’elle occupe la place de la maison où, suivant les Actes des apôtres, saint Paul logeait et enseignait librement. Cette tradition d’un fait certain peut être vraie, mais rien de visible ne l’atteste. Quant aux palais,