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la bataille de Fair-Oaks. La situation de l’armée de Mac-Clellan est la même qu’alors ; seulement les deux jambages du V sont aujourd’hui reliés par des ponts permanens, offrant toutes facilités pour transporter rapidement les différens corps d’une rive à l’autre. Le gros des troupes fédérales, huit divisions, mais des divisions bien réduites, est sur le jambage de gauche, sur la rive droite du Chikahominy, et occupe les retranchemens qui font face à Richmond. Ces troupes ont devant elles la masse de l’armée ennemie, établie, elle aussi, dans des positions retranchées. Sur le jambage de droite, c’est-à-dire sur la rive gauche de la rivière, se trouve le général fédéral Fitz-John Porter avec deux divisions et la réserve des réguliers. C’est contre lui que marchent Jackson et le corps du général Hill, venu de Richmond, le tout sous les ordres du général Lee, qui, depuis la blessure de Johnston l’a remplacé dans le commandement en chef. En fait, l’armée du Potomac allait être aux prises avec deux armées dont chacune l’égalait par le nombre. Des batailles ont été gagnées quelquefois dans de pareilles circonstances ; mais il n’y a pas à compter sur une de ces rares faveurs de la fortune. Le mieux qui pût advenir était de bien se tirer de la position critique dans laquelle on était placé. Il n’y avait pas d’autre parti à prendre que celui d’une prompte retraite ; ce parti lui-même était malheureusement loin d’être simple, et il n’y avait à choisir qu’entre des dangers. Si l’on se concentrait sur la rive gauche du Chikahominy, on abandonnait l’entreprise contre Richmond, et on s’exposait à une retraite désastreuse sur White-House et York-Town, avec toute l’armée confédérée à ses trousses, dans un pays où l’on ne trouverait aucun point d’appui. Il n’y avait rien de bon à espérer de ce plan. Si au contraire on faisait passer toutes les troupes sur la rive droite, il fallait s’attendre à voir l’ennemi se saisir aussitôt du chemin de fer qui nourrissait l’armée et la couper de ses communications avec White-House. Force serait alors de s’en ouvrir de nouvelles avec le James-River, et pour cela de s’y porter en masse et sans retard. C’était toujours une retraite, mais on ne reculait que de quelques milles, et pour peu que l’on fût suffisamment renforcé, avec l’appui de la marine, on pouvait se flatter de reprendre promptement l’offensive, soit sur la rive gauche contre Richmond même, soit sur la rive droite contre Petersburg, dont la prise eût entraîné celle de Richmond. On s’arrêta à ce dernier parti. Ainsi que nous l’avons dit, le général Mac-Clellan y songeait depuis longtemps, comme à une des nécessités de sa situation, et il avait même pris quelques dispositions éventuelles qui allaient se trouver singulièrement justifiées ; mais autre chose était de faire cette retraite à son heure, par un mouvement libre et spontané, autre chose de la faire précipitamment sous la menace de deux armées ennemies.