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veille un orage épouvantable avec des torrens de pluie ; les chemins étaient affreux.

Tout à coup, vers une heure de l’après-midi, par un temps gris et sombre, une fusillade très vive se fait entendre. Les piquets et les grand’gardes sont ramenés violemment ; les bois qui entourent Fair-Oaks et Seven-Pines se remplissent de nuées de tirailleurs ennemis. Les troupes courent aux armes et se battent en désespérées ; mais les forces de leurs adversaires ne cessent d’augmenter, et leurs pertes ne les arrêtent pas. La redoute de Seven-Pines est entourée, ses défenseurs se font tuer bravement. Le colonel d’artillerie Bailey, entre autres, y trouve sur ses pièces une mort glorieuse. La redoute prise, un peu de désordre se manifeste parmi les gens du nord. En vain les généraux Keyes et Naglee s’épuisent en mille efforts pour retenir leurs soldats, ils ne sont pas écoutés. Dans ce moment de confusion ils aperçoivent un petit bataillon français, connu sous le nom de gardes Lafayette, qui est resté en bon ordre. Ils vont à lui, se mettent à sa tête, chargent l’ennemi et reprennent une batterie. Le bataillon perd un quart de son monde dans cette charge, mais, en vrais Français, toujours les mêmes partout, ils s’écrient : « On peut nous appeler les gardes Lafourchette maintenant ! » faisant allusion à un mauvais sobriquet qu’on leur avait donné.

Cependant Heintzelman accourt à la rescousse avec ses deux divisions. Comme à Williamsburg, celle de Kearney arrive au bon moment pour rétablir le combat. La brigade Berry de cette division, composée de régimens du Michigan et d’un bataillon irlandais, s’avance, ferme comme un mur, au milieu de la masse désordonnée qui flotte sur le champ de bataille, et elle fait plus par son exemple que les plus puissans renforts. On a perdu un mille de terrain environ, quinze pièces de canon et le camp de la division d’avant-garde, celle du général Casey ; mais maintenant on tient bon. On forme une espèce de ligne de bataille à travers les bois, perpendiculairement à la route et au chemin de fer, et là on résiste aux assauts répétés des masses ennemies. On ne peut être tourné par la gauche, où se trouve le White-Oak-Swamp, marécage impraticable, mais on peut être enveloppé par la droite. À cette heure même en effet, une forte colonne de confédérés a été dirigée de ce côté. Si elle réussit à s’interposer entre Bottom-Bridge et les troupes fédérales qui tiennent en avant de Savage-Station, toute l’aile gauche est perdue. Elle n’aura plus de retraite et est condamnée à succomber sous le nombre ; mais précisément à ce moment, c’est-à-dire à six heures du soir, de nouveaux acteurs entrent en scène. Le général Sumner, qui a réussi à passer le Chikahominy, avec la division Sedgwick, sur le pont con-