Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/845

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

paux officiers de l’armée confédérée ; un de ses neveux servait dans les rangs des fédéraux. Le général Mac-Clellan, toujours soigneux de maintenir le respect dû à la propriété, fit placer des sentinelles autour de la demeure du général ennemi, défendit d’y pénétrer, et ne voulut pas y entrer lui-même ; il alla planter sa tente dans une prairie voisine. Ce respect des propriétés du sud a été reproché au général dans le congrès ; l’opinion de l’armée était autre, et elle s’associait au sentiment délicat de son chef. Ce sentiment y était poussé si loin que, les gens d’un général ayant trouvé dans une maison abandonnée un panier de vin de Champagne, ce général le renvoya ostensiblement le lendemain par un de ses aides-de-camp. On pourra sourire de cette austérité de mœurs un peu puritaine, à laquelle nous ne sommes guère accoutumés en Europe ; pour moi, je dois avouer qu’elle a toujours fait mon admiration.

À White-House finissait la navigation du Pamunkey. Le York-River-Rail-Road, qui unissait cette rivière à Richmond, la traversait à cet endroit sur un pont que l’ennemi avait détruit, puis se dirigeait presque en droite ligne vers la capitale virginienne. Ce chemin était resté à peu près intact ; n’ayant ni remblais ni viaducs, il était difficile à détruire. Quelques rails seulement se trouvaient enlevés, ils furent vite remplacés ; tout le matériel roulant avait été emmené, mais l’armée fédérale avait sur ses navires de transport des locomotives et de nombreux wagons qui furent aussitôt mis à terre. Toute la flottille de transport vint se décharger à White-House, où l’on forma, sous la protection des canonnières, un vaste dépôt, et où régna bien vite toute l’activité d’un port de mer ; puis l’armée reprit sa marche vers Richmond, en suivant le chemin de fer qui allait servir d’artère vitale à ses opérations.

Que faisait l’ennemi pendant ce temps ? Nous avons montré Johnston combattant successivement l’avant-garde fédérale le 5 mai à Williamsburg, puis le 7 le corps de Franklin, sur le lieu même de son débarquement à Breek-House, au haut du York-River, afin de donner le temps au gros de ses troupes de se replier sans encombre dans la direction de Richmond. Les reconnaissances de cavalerie, poussées dans toutes les directions, démontraient que l’armée ennemie presque entière avait repassé le Chikahominy, et tout portait à croire qu’on n’aurait plus affaire avec elle que sous les murs de la capitale ; mais tout indiquait en même temps que les forces confédérées s’y concentraient pour faire une résistance désespérée. On avait ramassé quelques prisonniers appartenant à un corps jusqu’alors stationné en face du général fédéral Burnside dans la Caroline du nord ; il était donc évident que ce corps avait rejoint l’armée de Virginie. On ne tarda pas à apprendre l’évacuation de Norfolk et