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étroits, à une seule voie, et pleins de bourbiers affreux, d’où l’artillerie se tirait avec la plus grande peine, quoique le temps fût beau et sec depuis plusieurs jours. En toute autre circonstance, on se fût arrêté devant le spectacle qu’offrait une contrée charmante, couverte de bois vierges, coupés çà et là par une clairière, et rappelant les plus riantes parties du Devonshire, cette Provence de l’Angleterre ; mais ces bois pouvaient cacher l’ennemi, et l’on ne s’occupait qu’à les fouiller. Le duc de Chartres, qui allait en éclaireur avec quarante chevaux, tomba tout à coup au milieu d’une brigade confédérée. C’était l’arrière-garde de la colonne, signalée par le général Smith. Le jeune prince revint avec une quinzaine de prisonniers, et sur son rapport Stoneman fit un nouvel effort de vitesse pour atteindre ces troupes avant leur jonction avec le gros des forces ennemies, que l’on supposait aux environs de Williamsburg.

Bientôt on arriva à l’embranchement des deux routes, celle qui partait d’York-Town et que suivait Stoneman, et celle qui partait de Lees-Mill et par laquelle se retirait l’armée confédérée ; mais, au moment où elle débouchait sur le point de jonction, la cavalerie fédérale fut accueillie par un feu d’artillerie venant des nombreux ouvrages de campagne élevés en avant de Williamsburg. Un coup d’œil rapidement jeté fit reconnaître la position. Comme nous l’avons dit plus haut, la péninsule virginienne va en se resserrant à la hauteur de Williamsburg. Deux criques ou baies, remontant l’une du James-River, l’autre du York-River, et se terminant l’une et l’autre par des marais, la rétrécissent encore davantage. Il se forme entre ces deux marécages une espèce d’isthme étroit sur lequel aboutissaient les deux routes d’York-Town et de Lees-Mill. Au sud de l’isthme, c’est-à-dire du côté par où on l’approche de York-Town, le pays est entièrement boisé. Au nord au contraire, du côté de Williamsburg, il est découvert ; ce sont de grands champs de blé derrière lesquels on aperçoit les tours et les clochers de la ville. Sur cet espace ouvert, l’ennemi avait d’abord construit un ouvrage bastionné considérable, le fort Magruder, placé sur la chaussée en face de l’isthme, puis une série de redoutes et de rifle pits faisant face à tous les points du marais par lesquels il aurait été possible à l’infanterie de s’avancer. Il avait ensuite fait de grands abatis, de manière à ouvrir au feu de son artillerie et de sa mousqueterie les abords du marais et de l’embranchement des routes. C’est au milieu de ces abatis que la colonne fédérale déboucha au trot ; c’est là qu’elle fut saluée par une grêle d’obus que lui envoya le fort Magruder.

Dans les intervalles entre ce fort et les redoutes, l’infanterie et la cavalerie confédérées étaient en bataille. Stoneman, voyant que l’en-