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perdu un mois en travaux gigantesques, mais devenus inutiles, et après tout cela les confédérés se retiraient, satisfaits d’avoir gagné du temps pour préparer la défense de Richmond, et comptant désormais sur la saison des chaleurs et des maladies qu’elles engendrent pour leur venir en aide contre l’armée unioniste au milieu des marais de la péninsule virginienne. Les fédéraux, en nombre de plus en plus restreint, voyaient s’ouvrir devant eux la perspective d’une campagne de plus en plus laborieuse et diminuer dans la même proportion les chances d’un accommodement amiable. Il y avait là matière à de sérieuses et même à de tristes réflexions ; mais à la guerre les instans sont précieux, et c’est faiblesse de les perdre à se lamenter. Il était probable que l’armée ennemie n’était pas loin ; elle ne pouvait avoir pris une grande avance, et, en se jetant rapidement à sa poursuite, on pouvait atteindre au moins son arrière-garde, y mettre le désordre et lui faire des prisonniers.

Quelques heures après la nouvelle de l’évacuation, toute l’armée fédérale était en mouvement. La cavalerie de Stoneman franchissait la première les retranchemens. Comme elle les traversait, plusieurs machines infernales, lâches instrumens de destruction, éclatèrent sous les pieds des chevaux et tuèrent quelques hommes. On n’eut que le temps de jeter un coup d’œil sur les ouvrages formidables élevés par l’ennemi, et sur lesquels il avait laissé soixante-douze pièces d’artillerie ; puis, en passant rapidement à travers les camps abandonnés, les magasins en feu, au milieu desquels on entendait encore des explosions, on prit la route de Williamsburg, petite ville située sur un point où la péninsule virginienne, resserrée entre deux criques ou bras de mer, offrait une très forte position défensive. On s’attendait à rencontrer sur cet isthme l’arrière-garde ennemie. Stoneman marcha donc rapidement sur Williamsburg avec toute la cavalerie et quatre batteries d’artillerie à cheval. L’infanterie suivit aussi vite que le permettait le petit nombre de routes étroites dont on disposait. On peut dire qu’il n’y en avait que deux : une directe, venant de York-Town, et l’autre venant de la gauche des lignes fédérales. Celle-ci traversait le Warwick-Creek à Lees-Mill, sur un pont qu’on n’avait pu rétablir qu’au bout de trois heures. Lorsque la division Smith, qui le franchit la première, se fut un peu avancée, elle rencontra une portion de l’armée confédérée qui se repliait devant elle. Smith en avertit le général Mac-Clellan. Celui-ci, pensant que Stoneman pourrait gagner de vitesse cette colonne ennemie et l’intercepter à l’embranchement des deux routes en avant de Williamsburg, lui expédia l’ordre de presser sa marche pour l’atteindre. Malheureusement il était difficile d’aller vite. Les chemins, et en particulier celui que suivait la cavalerie, étaient