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d’être une surprise. Il allait malheureusement aussi perdre l’avantage d’une prompte exécution.

Déjà on avait laissé échapper quelques jours, les jours employés à l’inutile poursuite de l’ennemi à Fairfax-Court-House et Manassas ; ce n’était toutefois que demi-mal, les transports n’étant pas encore réunis. Aussitôt qu’ils commencèrent à paraître, ordre fut donné à l’armée d’aller s’embarquer à Alexandrie. Là toutefois un nouveau mécompte attendait le général en chef. On lui avait promis les moyens de transporter à la fois 50,000 hommes ; c’est à peine si les navires réunis dans le Potomac purent en recevoir la moitié. Au lieu d’emporter d’un seul coup, comme on l’avait espéré, toute une armée avec son artillerie et son matériel, il fallut faire faire à la flottille fédérale de nombreux va-et-vient. C’est le 17 mars que commença le mouvement de l’armée. Son effectif se composait de onze divisions d’infanterie, de 8 à 10,000 hommes chacune, plus de 6,000 réguliers à pied et à cheval, et environ 350 pièces d’artillerie de campagne, le tout pouvant faire 120,000 hommes. Une division fut détachée au moment du départ, pour aller, on ne sait par quel motif, former un commandement indépendant sous les ordres du général Frémont dans les montagnes de la Virginie septentrionale. Nous verrons successivement l’armée du Potomac subir d’autres affaiblissemens non moins inexplicables ; mais n’anticipons pas[1].

Il fallut quinze jours pour conduire l’immense armement que nous venons d’énumérer à Fort-Monroë, lieu choisi pour le débarquement. L’apparition du Merrimac et le terrible essai qu’il avait fait de ses forces ne permettant plus de considérer la marine fédérale comme maîtresse absolue des eaux virginiennes, l’armée n’avait pu trouver, pour prendre terre, de point plus favorable. Fort-Monroë est une citadelle régulière, construite en pierre, à la pointe méridionale de la péninsule de Virginie, et restée depuis le début de la guerre aux mains du gouvernement fédéral. Cette forteresse, croisant ses feux avec ceux d’un fort nommé les Rip-raps, bâti sur un enrochement artificiel, commande la passe qui, de la pleine mer, mène à Hampton-Roads et de là à Richmond par le James-River, ou bien, par l’Elizabeth-River, à Norfolk, où se trouvait le Merrimac. C’est dans ces eaux intérieures que s’étaient passées les deux actions navales dont l’attention publique a été si vivement préoccupée, et qui ont eu sur les destinées de l’armée du Potomac une si grave influence, qu’il ne sera peut-être pas hors de propos de leur donner place dans ce récit.

Je ne ferai pas la description du Merrimac, que tout le monde

  1. Une carte des environs de Richmond, placée en tête de ce récit, permettra de suivre dans tous leurs détails les importantes opérations dont la Virginie fut le théâtre à partir du mois de mars 1862.