Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/754

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je me suis refusé le plaisir trop facile de relever dans ce petit écrit d’étranges aberrations, et notamment de signaler, en m’occupant des majoliques, certaine découverte de M. Desjardins qui aurait assurément égayé mes lecteurs. Il est vrai qu’en citant quelques phrases de sa notice, je l’ai qualifiée d’officielle; c’est là ce qui déplaît à M. Desjardins. Cela lui parait « désobligeant. « En vérité, je m’en étonne : j’aurais pensé qu’au Moniteur ce mot-là devait être mieux pris; mais la passion de M. Desjardins, je l’ignorais, est pour l’indépendance. C’est en effet presque toujours à la qualité qui paraît nous manquer que nous tenons le plus. M. Desjardins m’affirme qu’il n’a jamais reçu d’aucun haut personnage la moindre inspiration : je le crois sur parole; seulement, s’il est pour lui si jaloux de l’indépendance, d’où vient que chez les autres il lui paraît tout naturel d’en faire si bon marché? Pourquoi dire à un homme qu’on croit à sa sincérité tout en insinuant qu’on la nie, qu’on le suppose sous le joug de regrets, de rancunes, de mécontentemens, et que ces tableaux qui lui semblent médiocres, s’ils eussent été acquis quinze ans plus tôt, il les trouverait bons? — Que dites-vous, monsieur, de ce genre de logique, de cette urbanité et de ce savoir-vivre? Voilà pourtant comme raisonne M. Ernest Desjardins; c’est le fond de son œuvre, son argumentation principale. Le titre seul qu’il a choisi ne vous le dit-il pas? Du patriotisme dans les arts! Vous comprenez ce que cela signifie. Admirer le musée Campana, en exalter les trésors, mais avec des réserves, à bon escient, n’en pas tout admirer et surtout ne pas le proclamer un et indivisible, c’est ne pas aimer son pays, c’est être Russe, Anglais, que sais-je? C’est être des vieux partis. Les vieux partis voilà le mot. Cet argument de bas étage, dont la presse la plus zélée, la plus officieuse, sent aujourd’hui le ridicule et l’odieux, et que, même par ordre, elle n’emploierait plus qu’à son corps défendant, M. Desjardins ne craint pas d’en faire son arme favorite. Que dis-je? il enchérit sur ce que l’ardeur des premiers jours avait inventé de plus beau, de plus raffiné en ce genre. Pour lui, tout homme qui sous un précédent régime a joué un rôle politique, si modeste qu’il fût, et qui reste fidèle à ses sermens, à ses croyances, est non-seulement un mauvais citoyen, un ennemi de sa patrie; il est encore quelque chose de plus. M. Desjardins le proclame impropre à faire de la critique, inhabile à écrire sur les arts! On croit peut-être que je plaisante. Je n’ajoute pas un mot, c’est imprimé, on peut le lire, p. 53.

Vous comprenez, monsieur, qu’il faut quelque courage pour aller plus avant. Voyons pourtant si dans le flot de ces aigres paroles qui voudraient bien être malicieuses, mais qui passent trop loin de moi pour me donner la moindre envie d’en fatiguer vos lecteurs, voyons s’il n’y a pas quelque fait qu’il importe de relever.

Quelles sont les prétendues erreurs qu’on m’accuse d’avoir commises et qu’on me somme de reconnaître?

Mon premier crime est d’avoir dit que le Palais de l’Industrie s’était vu peu à peu abandonné par la foule, et que, malgré le concours d’une presse unanime et l’ardeur des réclames, l’indifférence du public était allée en croissant. Le fait est si notoire que je ne pensais pas qu’on pût le contester. C’est pourtant là ce que l’on tente, et le moyen qu’on imagine est d’établir, par les carnets des commissaires de police, que du 6 juin au 5 juillet, pen-