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administré sur son territoire par des moines étrangers. Ou le gouvernement du prince Couza ne jouit pas de l’autonomie administrative qui lui a été si solennellement et si récemment garantie par la convention de 1858, ou il est en droit de retirer aux moines grecs l’administration des établissemens en question. Voilà ce que l’on peut dire du moine grec considéré comme administrateur.

Les moines grecs, par suite de la décision qui leur enlèverait l’administration des monastères, doivent-ils perdre le bénéfice assigné aux saints lieux par les donateurs ? Non. — Ils n’accompliraient plus, il est vrai, les intentions de ces donateurs ; mais ce serait un acte indépendant de leur volonté qui les aurait placés dans l’impossibilité de le faire, encore qu’ils en eussent la bonne volonté. Ils sont donc en droit de réclamer l’excédant ou la quote-part des revenus assignés aux saints lieux. C’est d’ailleurs à eux de prouver que tel monastère a été réellement dédié avec clause bénéficiaire par une personne qui en avait le pouvoir. Il résulte en effet d’un acte de Matthieu Bassarabe que, d’après le droit public de la Valachie, les princes n’étaient pas autorisés, sans le concours de l’assemblée des boyards, à dédier les couvens princiers, c’est-à-dire nationaux. Dès le commencement du XVIIe siècle il y avait eu des dédicaces illégales, et Matthieu Bassarabe a fait affranchir les couvens qui avaient été ainsi dédiés indûment. En outre, conformément aux principes généraux du droit et aux intentions écrites des dédicateurs, les administrateurs spirituels et temporels des monastères dédiés étaient obligés de jouir, comme on dit, en bons pères de famille. S’il se trouvait que l’objet confié à leur administration ne fût pas en bon état, le gouvernement moldo-valaque serait en droit d’exiger que le prix de la réparation fût laissé à la charge des administrateurs négligens. Enfin il ressort des actes de dédicace que les moines grecs étaient tenus non-seulement de conserver les biens, mais de consacrer une partie des revenus à les augmenter ; aussi, s’ils ont acheté quelques terres, c’était pour remplir une obligation qui leur était imposée, et ils n’auraient pas plus de droit sur ces terres que sur les autres. Toutefois, je le répète, le gouvernement moldo-valaque ne peut pas, après que les monastères lui auront été rendus en bon état, se refuser à remettre aux moines grecs la part des revenus fixée par les dédicateurs pour ceux des monastères qui ont été dédiés régulièrement.

Nous n’avons fait du reste que reproduire ici le vœu émis par la majorité de la commission européenne dans les termes suivans : « Les commissaires croient devoir recommander un arrangement à l’amiable. Les commissaires de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Sardaigne, vu que les documens primitifs[1] de fondation ne peuvent être reproduits, croient que les couvens des saints lieux pourraient être engagés à faire abandon de leurs prétentions sur les biens des couvens dédiés et sur la gestion de ces biens contre la fixation d’une somme annuelle servie par l’état, et garantie sur les terres des couvens à des conditions qui ne sauraient être précisées ici. Lesdits commissaires font remarquer de plus que les couvens grecs ont souvent déclaré qu’ils ne reçoivent qu’une portion minime

  1. En effet, presque tous les documens cités sont postérieurs à la fondation et à la première dédicace.