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maine de la peinture, et de ce nombre sont sans doute les aurores boréales. M. Boë, en voulant traduire par le pinceau un de ces incendies du ciel nocturne, n’a guère réussi, malgré des preuves de talent, qu’à transporter sur la toile des couleurs criardes et des détails qui peuvent être vrais, mais qui pour nous manquent de vraisemblance. Les épisodes de la vie domestique ont fourni, d’un autre côté, plus d’un sujet intéressant aux peintres norvégiens, et à la tête de ces derniers se place M. Tidemand. Né à Mandai en 1816, M. Tidemand fit ses premières études à l’académie de Copenhague. Plus tard il s’établit à Dusseldorf, dans l’école de Hildebrandt. Aujourd’hui l’artiste ne tient plus guère à la Norvège que par la naissance, lien très puissant, il est vrai, chez les peintres du Nord. À l’exemple de Rubens, qui a vécu longtemps en Italie et chez lequel l’absence même semble avoir fortifié le type flamand, M. Tidemand, tout en habitant l’Allemagne, n’a point dit adieu à son pays. Quelques-uns de ses tableaux, tels que les Haugians (secte religieuse de la Norvège) et sa Procession funèbre sur le Sognefjord, sont déjà connus en France. Qui n’a remarqué cette année à l’exposition de Londres ses deux Joueurs de cartes, dont l’un se gratte la tête avec le geste naturel d’un homme qui cherche une idée ? Sa Procession des Noces dans Hardanger, qui nous montre une barque sur l’eau portant la mariée avec une couronne d’or sur la tête, représente les coutumes naïves du pays norvégien associées aux grandes scènes de la nature. La paix de la chaumière et un doux sentiment religieux respirent dans l’Après-Midi du dimanche. Un peu d’ironie se mêle au charme des souvenirs d’enfance dans la Leçon de catéchisme ; mais la toile capitale du peintre norvégien est l’Administration du sacrement, la communion protestante. Dans quelques districts de la Norvège, les habitans n’ont que rarement l’occasion de communiquer avec un ministre du culte ; aussi les malades et les infirmes ont été apportés sans doute de loin sous le toit d’une misérable chaumière ou d’une église de campagne. Ici c’est un mourant couché sur une paillasse, là une vieille femme qui, ne pouvant se tenir debout, tombe à genoux, quoique soutenue par sa fille. Au milieu de toutes ces souffrances humaines qui saisissent le cœur apparaît le ministre, une coupe à la main ; pourquoi faut-il ajouter que ce pasteur, avec sa robe noire et sa collerette à la Henri IV, est le personnage le plus insignifiant de la scène ? On aimerait à voir là une tête austère et bienveillante de vieillard avec des cheveux blancs, dont la simplicité chrétienne rayonnerait comme un sourire de l’Évangile sur toute cette famille de malheureux.

Le lien de l’école norvégienne est visiblement le patriotisme ; les peintres suédois ne se montrent pas moins enthousiastes que leurs