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l’obéissance qu’à l’imitation des rois nos prédécesseurs nous désirons rendre au saint-siège et à votre béatitude en une affaire si importante que le mariage de notre très chère sœur Henriette-Marie avec le prince de Wales, fils du roi de la Grande-Bretagne, fait que nous n’avons pas voulu y résoudre aucune chose sans au préalable avoir eu non-seulement sa dispense, mais aussi ses avis. Pour cet effet, nous envoyons vers elle le bon père Bérulle, comme personne que nous savons bien lui devoir être agréable pour les singulières qualités qui sont en lui. Il l’informera particulièrement de ce qui s’est passé jusqu’ici sur ce sujet. » Mais en donnant à un saint prêtre cette mission particulière Richelieu lui recommanda formellement de ne rien faire que de concert avec l’ambassadeur ordinaire du roi à Rome, le comte de Béthune; les instructions de Bérulle portaient : « Vous laisserez toujours avancer au sieur de Béthune ce qui pourrait intimider le pape, tandis que vous aurez soin de votre côté, selon que votre profession le requiert, d’adoucir ensuite ses craintes, de le prendre par la douceur et de lui faire sentir ce que l’équité et le bien de la religion demandent de lui dans cette occasion. » Richelieu savait qu’à côté du langage caressant dont il chargeait le père de Bérulle, il aurait à en faire aussi tenir un autre. « Il faut parler fermement, lui écrirait de Rome un de ses plus affidés, l’archevêque de Lyon, Denis de Marquemont, et comme de chose qu’on attend absolument, et bientôt, et en laquelle, s’étant dès la première fois fouillé jusqu’au fond, ce serait temps perdu de demander d’autres conditions. »

Le père de Bérulle entra loyalement et discrètement dans l’esprit de sa mission; il fit son voyage avec modestie et lenteur, s’arrêta à Turin, à Bologne, fit ses dévotions à Notre-Dame de Lorette, ne parla à personne de ce qu’il allait faire à Rome, et voulait, en y arrivant, aller loger, comme un simple prêtre, à l’hospice de Saint-Louis; mais le comte de Béthune exigea qu’il prît l’ambassade de France pour demeure. « Personne, écrivit-il au cardinal de Richelieu[1], ne pouvait être choisi par sa majesté pour être employé en l’affaire pour laquelle le révérend père Bérulle a été envoyé ici, qui s’en acquittât mieux qu’il ne fera, ni duquel la conversation et communication me fut plus chère que n’est et ne sera la sienne... Ce qui retardera l’accomplissement plus qu’il n’est nécessaire et que je ne le désirerais, c’est que l’on s’attache ici autant aux formes qu’à la substance des choses, et que l’expédition des affaires de tout temps y est longue. »

Dans la première audience que lui donna Urbain VIII, le père de Bérulle lui adressa en latin un long discours, à la fois confidentiel et

  1. Le 27 septembre 1624.