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place qu’elle avait dans ses bonnes grâces. Je me suis tourné alors vers les vieilles dames qui l’accompagnaient, et je leur ai dit que, puisque la reine m’avait permis la liberté que je venais de prendre, j’espérais que de leur côté elles voudraient bien tenir un langage en accord avec le mien. J’ai ajouté que le prince avait dans son cabinet le portrait de Madame, et se repaissait de cette vue, ne pouvant avoir encore le bonheur de contempler sa personne. Et pendant que je tenais ce discours et autres semblables, la princesse était là, recueillant avec charme mes paroles, et n’en laissant pas tomber une seule à terre. »

Au milieu de ses galanteries de courtisan, lord Kensington posait bien la question : pendant tout le cours de la négociation, toute la difficulté porta sur la forme encore plus que sur la mesure de l’engagement que prendrait le roi Jacques en faveur des catholiques d’Angleterre. Il offrait une promesse verbale de ne pas faire exécuter les lois rendues contre eux, et de tolérer dans leurs maisons le libre exercice de leur religion. Les négociateurs français demandaient un serment écrit et officiel. « Cet écrit, disaient-ils aux commissaires anglais, ne donnerait pas au roi leur maître plus d’empêchement, de la part de ses peuples, pour l’exécuter, que la promesse verbale qu’ils offraient, pour ce que toujours les protestans se douteraient bien qu’il l’aurait promis, et le soupçon en matière de religion est si violent qu’il ferait le même effet que s’ils en avaient une preuve certaine. Ce serait d’ailleurs pour Madame un si grand déshonneur en toute la chrétienté d’entrer en Angleterre sans apporter aucun soulagement à ceux de sa religion, qu’elle ne voudrait pas acheter à ce prix la bienveillance d’une partie du peuple d’Angleterre, et que ce lui était assez d’avoir les bonnes grâces du roi son mari. Le roi très chrétien y avait lui-même un très grand intérêt pour ce qu’il ne pouvait autrement assurer le pape que ce que l’on promettait serait exécuté, qu’en lui témoignant qu’on ne s’était pas contenté d’une simple obligation de parole, mais qu’on l’avait voulu stipuler par un écrit qui pût être exposé à la vue de tout le monde. » A cela les commissaires anglais répondaient que, par cette voie, on allait précisément contre le dessein qu’on se proposait. « C’était vouloir mettre mal le roi d’Angleterre avec son peuple, qui était protestant, que de faire paraître au public qu’il eût promis aucune chose pour les catholiques, au préjudice des lois du royaume ; c’était même lui ôter le pouvoir de bien traiter les catholiques que de faire connaître publiquement qu’il eût ce dessein et s’y fût obligé, parce que chacun prendrait garde à ce qu’il ferait pour eux, et que la moindre grâce qu’il leur départirait serait considérée, pesée et enviée, au lieu que, si ses peuples n’avaient point de soupçon, il aurait plus de liberté de les favoriser, ni ne lui