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du chancelier, occupait encore le poste d’ambassadeur à Rome; Richelieu y fit envoyer à sa place le comte de Béthune, docile et fidèle. Enfin, bien résolu de faire sentir sa volonté et son pouvoir à Rome comme à Londres et à Paris, le cardinal écrivit à M. d’Herbault, secrétaire d’état pour les allaires d’Italie : « Le roi trouve bien étrange qu’il vienne de Rome quelque bruit que le pape ne donnera point la dispense du mariage d’Angleterre à moindres conditions qu’il n’a accordé celle d’Espagne. Pour l’obtenir, il suffit que le roi soit assuré de toutes les conditions qui sont nécessaires pour le salut de Madame et de toute sa famille, et qu’il y ait lieu d’espérer beaucoup pour le bien général des catholiques d’Angleterre. L’affaire est non-seulement en cet état, mais en termes plus avantageux, comme vous saurez par M. de Bérulle. Le roi rendant à sa sainteté tout ce qu’elle saurait attendre d’un prince chrétien, et si pieux qu’il est, il n’y aurait point d’apparence qu’il n’en reçût le traitement qu’il en doit justement attendre. Il ne faut point considérer les conditions d’Espagne, mais bien si celles de France sont légitimes et suffisantes. Étant telles, quel déplaisir serait-ce au roi de recevoir un refus qui l’engagerait à plus que je ne veux penser! »

Toutes ces mutations furent opportunes et efficaces. Richelieu n’eut plus dans le conseil du roi que des collègues dociles, et au dehors que des agens dévoués. Le marquis d’Effiat débuta bien à Londres. Le prince de Galles assistait à la première audience que lui donna le roi Jacques[1]. Après les saints d’usage, le roi ayant engagé l’ambassadeur à se couvrir, d’Effîat s’en excusa, ne pouvant, dit-il, se le permettre tant que le prince serait là, découvert en présence de son père. Sa courtoise réserve plut. Après quelques momens, le prince se retira, l’ambassadeur se couvrit, et le roi le traita dès lors avec une bienveillance familière. Pendant tout l’été, d’Effiat l’accompagna dans ses diverses excursions, partout logé et défrayé par ses ordres, et admis souvent à des entretiens particuliers dans lesquels le roi Jacques se livrait sans gêne à sa gaîté spirituelle et peu délicate. « Je ferai, lui dit-il un jour, la guerre à Madame Henriette. Elle n’a pas voulu recevoir les deux lettres qui lui ont été envoyées d’ici, l’une de moi, l’autre de mon fils, elle les a remises d’abord à sa mère; mais je crois que je ferai aisément la paix avec elle, car j’ai appris que depuis elle avait mis la seconde lettre dans son sein et la première dans son portefeuille, d’où je conclus qu’elle entend réserver mon fils pour l’affection, et moi pour le conseil. »

À Paris, le plus courtisan des deux négociateurs anglais, lord Kensington, était traité par les deux reines avec la même faveur. Il avait conquis le cœur de la duchesse de Chevreuse, et par elle les

  1. Le 4 (14) juillet 1624.