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dis que ses ouvertures pour le particulier se devaient réserver à un autre temps, et que c’était assez de mettre le tablier pour cette heure, ce qui se pouvait faire en vous donnant compte de ce qui s’était passé entre nous, sans m’engager néanmoins à lui en donner réponse, de peur que, si sa majesté ne me commandait pas de parler de deçà selon le désir des Espagnols, cela ne produisît un mauvais effet et ne leur fît prendre une prompte résolution de conclure cette affaire, à quelque prix que ce soit, avec l’Angleterre, au lieu que, sans que nous nous en mêlions, en bien ni en mal, elle se détruira infailliblement, à mon avis, par le temps. Ce sera maintenant à vous, monsieur, de faire réflexion sur la chose ; on pourrait faire par-deçà l’office en telle forme que les Espagnols s’engagent, sans que nous le soyons plus que d’un simple compliment. Quoique je ne voie pas de si loin, j’ai quelque conjecture que les Anglais sont irrésolus, et en différentes factions et pensées pour ce regard. La quantité de courriers qu’ils envoient, et le peu de conformité que nous pénétrons être en leurs dépêches, m’en fait juger ainsi. Un indice certain que le plus fort[1] n’est plus si bien dans la chose est que le comte de Bristol a été redemandé en grande hâte, qui a jusqu’ici été l’Achille de cette négociation, et quoique la passion particulière du duc de Buckingham contre lui puisse agir principalement en cela, ce ne sera assurément pas sans dommage de l’affaire publique… Il est très important pour le service du roi qu’il vous plaise me faire savoir en toute diligence l’intention de sa majesté sur tout ceci; autrement ces gens ici feront peut-être leur compte sans nous, ce que je vous supplie très humblement de mettre en considération. »

Les instances de M. du Fargis n’étaient pas nécessaires pour que la cour de Paris s’empressât de rentrer dans l’action et de mettre à profit la situation nouvelle qu’il lui décrivait. A peine Charles et Buckingham avaient quitté l’Espagne qu’un moine anglais de l’ordre des cordeliers en partit aussi, et, passant par Paris pour retourner en Angleterre, alla trouver la gouvernante des princesses de France, Mme de Malissy, qui avait la confiance de la reine-mère, lui raconta ce qui se passait à Madrid, les hésitations des Espagnols, les arrogances des Anglais, leur déplaisance mutuelle, la rupture probable du mariage projeté, et la pressa de mettre Marie de Médicis au courant de cette situation, affirmant que le moment était très propice pour le mariage de la princesse Henriette-Marie avec le prince de Galles, et s’offrant lui-même pour engager sans bruit la négociation par le duc de Buckingham, avec qui il était, dit-il, en familière relation. Le moine avait goût sans doute à jouer un rôle

  1. Le roi Jacques.