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chal serait logé et défrayé au nom du roi, et qu’à son approche de Londres le comte d’Arundel irait le chercher, avec des barques pavoisées, pour le conduire, par la Tamise, à Somerset-House, où un beau logement lui serait préparé.

M. de Tillières s’empressa de mander à sa cour les courtoises assurances qu’il venait de recevoir. Son courrier trouva Louis XIII encore à Boulogne. « M. de Puisieux, dit-il lui-même dans ses Mémoires, lui fit savoir le plaisir qu’avait reçu sa majesté en apprenant l’honneur que l’on préparait à son ambassadeur, lequel n’allait, dit-il, que pour un simple compliment, bien que, par discours et comme de lui-même, il pourrait faire connaître au roi de la Grande-Bretagne l’état de nos huguenots. » M. de Puisieux avait chargé le maréchal de communiquer au comte de Tillières ses instructions et de ne rien faire sans son avis. « C’est la vérité, dit le comte, que ses instructions ne parlaient pas d’autre chose ; mais MM. de Luynes en avaient communiqué secrètement d’autres qui étaient le nœud de l’affaire, et qui consistaient principalement à unir le marquis de Buckingham à leur maison. M. de Puisieux en avait bien quelques soupçons, mais il n’en savait pas toute la vérité, non plus que ce qui touchait la proposition de mariage,-qui devait marcher ensuite. »

Luynes se flattait en effet qu’en faisant appel aux souvenirs français de Buckingham, à la similitude de leur situation auprès de leurs rois, à l’appui mutuel qu’ils pouvaient se prêter et à l’antipathie générale de l’Angleterre pour l’Espagne, il parviendrait à détacher le ministre anglais de l’alliance espagnole et à unir étroitement les fortunes des deux favoris comme les politiques des deux royaumes. Un autre motif, personnel aussi, le poussait à envoyer son frère à Londres. L’ambassadeur d’Angleterre à Paris, lord Herbert de Cherbury, était venu un jour, de la part du roi Jacques, lui parler en faveur de la pacification avec les protestans. « En quoi nos actions regardent-elles le roi votre maître ? lui dit Luynes ; pourquoi se mêle-t-il de nos affaires ? — Je n’ai point de compte à demander au roi mon maître, répondit Herbert, et je ne fais que lui obéir. Si on me demandait plus civilement ses raisons, je serais prêt à les donner. — Bien, » se contenta de dire Luynes. Lord Herbert insista, rappelant les engagemens du roi Jacques avec Henri IV et les motifs qu’avait Louis XIII de rechercher la bonne entente avec l’Angleterre. « Nous ne prendrons point vos avis, reprit Luynes. — Puisque vous le prenez ainsi, dit Herbert, nous savons ce que nous aurons à faire. — Nous ne vous craignons pas, répliqua Luynes en colère, et par Dieu ! si vous n’étiez pas monsieur l’ambassadeur, je vous traiterais d’autre sorte. — Si je suis un ambassadeur, je suis aussi un gentilhomme, dit Herbert, et portant la main sur la garde de son épée : — Voici ce qui vous répondra. » Et à ces mots il se leva. Luynes en