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Henri IV et Sully s’efforçant de conserver au drame politique son élévation et son grand dénoûment. Henri IV meurt et Sully se retire : le drame n’est plus qu’une série d’intrigues sans plan, sans but public, sans dignité comme sans prévoyance, ourdies et conduites par des courtisans légers, étourdis ou pusillanimes, uniquement préoccupés de maintenir leur faveur ou de satisfaire leur vanité, aussi incertains que remuans, changeant sans cesse de disposition et de manœuvre, impuissans à amener un résultat définitif, quoique prêts à poursuivre presque indifféremment les résultats les plus divers. Deux figures, le pape à Rome et le parlement à Londres, apparaissent seules dans cette négociation avec quelque grandeur. Le pape et le parlement avaient seuls une conviction sérieuse et un ferme dessein : catholique et protestans sincères, ils ne voulaient point, l’un du mariage protestant, l’autre du mariage catholique, et tant qu’ils n’eurent affaire qu’à des esprits et à des caractères d’un ordre inférieur, tels que Jacques Ieret Buckingham, Philippe IV et Olivarez, ils empêchèrent, par adresse ou par énergie, le dénoûment dont ils ne voulaient pas.

C’est un curieux spectacle que celui des perplexités où tombaient alternativement les cours de Madrid et de Paris chaque fois que l’une des deux croyait la cour rivale près de conclure ou de manquer, avec la cour de Londres, la négociation dont elles étaient toutes trois incessamment préoccupées. Ni à Paris, ni à Madrid, il n’y avait une politique assez arrêtée et une volonté assez forte pour que l’un ou l’autre gouvernement poursuivît résolument et efficacement le mariage de Londres ; les mêmes hésitations, les mêmes petitesses d’esprit et de cœur aboutissaient partout à la même impuissance. Mais l’impuissance aggrave le trouble : dès qu’à Paris ou à Madrid le succès qu’on redoutait semblait prochain, ou bien dès qu’on entrevoyait quelques chances d’une rupture qui pût faire place à d’autres combinaisons, on s’agitait en tous sens, soit pour profiter de ces chances, soit pour faire du moins échouer son rival si l’on ne pouvait soi-même réussir. Les correspondances des ambassadeurs espagnols en France et français en Espagne sont pleines de ces petites agitations sans cesse renouvelées et toujours vaines, quelque activité ou finesse d’esprit qu’on y dépensât. J’ai sous les yeux des dépêches où j’en pourrais puiser de nombreux exemples, si ces misères de l’histoire valaient la peine d’être longuement citées.

En 1620, la cour de Paris, qui avait jusque-là reçu assez froidement les avances matrimoniales de la cour de Londres, lui en fit à son tour de très empressées. En France aussi, un favori dirigeait alors les affaires de l’état. Le duc de Luynes n’avait point les vices ni les passions emportées et les fantaisies capricieuses du duc de Buckingham : c’était un esprit sensé et un caractère modéré, dé-