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peut exercer sur la direction des affaires ecclésiastiques de la chrétienté. Le saint-père, entouré de troupes étrangères, n’en gouverne pas moins impartialement toutes les églises dont il est le pasteur, et Mgr de Mérode, son conseiller dévoué, tout contrarié qu’il soit dans ses fonctions de ministre de la guerre, n’en donne pas moins à son auguste souverain des avis librement dictés par sa conscience de prêtre. Qui en doute ? — Mais prenez garde, cela même est contre vous ! Pie IX, le saint pontife tel que le monde catholique le vénère, Mgr de Mérode, sincère et courageux tel que j’ai l’honneur de le connaître, pourquoi donc seraient-ils plus intimidés par les soldats piémontais ?

Cependant on ne se trouble pas pour si peu, et l’on reprend : cette souveraineté telle quelle, plus nominative que réelle, vaut après tout mieux que rien. Elle permet au souverain pontife de négocier sur un pied d’égalité avec les princes de la terre ; elle lui donne la possibilité de les engager envers lui par des traités synallagmatiques revêtus d’une force obligatoire, traités où sont réglées certaines questions en partie temporelles, en partie spirituelles : ce sont les concordats. Des voix amies et pleines d’autorité m’ont parfaitement expliqué comment a surgi la nécessité des concordats, comment ils avaient leur raison d’être, comment, entre des puissances considérables qui se touchent par leurs extrémités, la seule manière de n’avoir pas la guerre, c’est de faire la paix suivant de certaines conditions librement débattues. À cela, comme théorie explicative du passé, point d’objection ; c’est bien ainsi que les choses se règlent en effet. Pour s’entendre, il faut que chacune des parties veuille bien y mettre et, s’il est permis de s’exprimer ainsi, y laisser en même temps un peu du sien. Le prince abandonne quelque chose de son pouvoir temporel, qu’il délègue au pontife ; le pontife se dessaisit d’une portion de sa puissance spirituelle, qu’il cède au prince. Je ne critique pas, je raconte. Qu’on examine tous les concordats, celui que l’empereur des Français a signé avec Pie VII, celui que l’empereur d’Autriche a consenti avec Pie IX : au fond, c’est toujours même chose. Entre les contractans, échange de prérogatives dont la dose varie suivant le degré de force relative ou de complaisance réciproque des contractans. Le malheur veut que parfois la mesure de la force ou de la complaisance vienne à changer après coup : de là des concordats tantôt à moitié mutilés, comme celui de Fontainebleau par les articles organiques de l’an X, ou tout à fait laissés de côté, comme celui de Vienne de 1857 ; de là aussi des tiraillemens incommodes et trop souvent de fâcheuses récriminations : ce sont les accidens du ménage, et l’on y peut pourvoir. Négligeons-les donc et passons. Les concordats ont malheureusement, aux yeux de la logique