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Dupin. » Plus tard, en 1846, causant à Leri avec M. W. de La Rive, il déplorait la condition faite au clergé français par la révolution ; il en exposait l’injustice et le péril. « En Piémont, ajoutait-il, nous avons une église qui possède, une église propriétaire, indépendante du gouvernement, et c’est un grand bien pour l’état non moins que pour la religion. » Fidèle à ses anciennes convictions, il n’a pas voulu, quelles que fussent les incitations de quelques députés de la gauche, laisser mettre la main sur les propriétés du clergé séculier. En Piémont, qu’on le sache bien, les cardinaux, les archevêques, les évêques et les prêtres du clergé séculier jouissent encore des biens territoriaux qui se trouvent nommément attachés à leur emploi. Des biens du clergé régulier on a fait deux parts. Aux ordres qui ont pour règle absolue et exclusive le service des hôpitaux, l’instruction à donner aux enfans et les missions effectives au dehors, à ceux-là, on a laissé leurs biens, qu’ils continuent à gérer eux-mêmes. Avec le reste, on a composé la caisse dite ecclésiastique, administrée par une commission composée à la fois de laïques et de prêtres ; elle subvient aux besoins du clergé séculier et dessert les pensions faites aux membres du clergé régulier dont les ordres ont été abolis. Tel est l’état des choses en Piémont, dans les anciens duchés, dans les Légations, à peu de choses près à Naples et en Sicile, partout excepté en Toscane, où les ordres monastiques jouissent de tous leurs biens, mais ne peuvent, par la remise en vigueur d’un ancien décret ducal, se recruter de novices sans permission de l’état. C’est au moyen de cet immense fonds commun que M. de Cavour, brouillé seulement avec quelques-uns des évêques, d’ailleurs assez médiocres, nommés par les anciens gouvernemens, mais beaucoup mieux vu qu’on ne se l’imagine en France de la très grande majorité du clergé italien, comptait traiter avec l’église italienne en se montrant d’ailleurs facile et généreux. Avec Rome, la négociation était autrement difficile. Songeait-il sérieusement à l’entamer ? Espérait-il la conduire à bonne fin ? Repoussé, qu’eût-il fait ? C’est là son secret ; il l’a malheureusement emporté dans la tombe.


Ou nous avons mal rempli notre dessein, ou l’on doit maintenant comprendre le vide immense laissé par la mort de M. de Cavour. Un long cri de douleur traversa l’Italie tout entière. Ce n’était pas seulement le cri de désespoir d’un peuple reconnaissant, mais plutôt le cri d’angoisse d’une nation consternée qui sent qu’elle a perdu son guide. Il était la lumière qui lui marquait sa voie. Cette lumière, on l’avait suivie de confiance à travers des sentiers obscurs et périlleux, et voici qu’elle s’éteignait tout à coup. Ce n’est pas que l’Italie