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trait différentiel de l’exposition de 1862 se trouve ailleurs ; c’est un point important à noter. Il est dans la prédominance prise par deux catégories spéciales, celle des matières premières et celle des instrumens servant à la production soit dans la sphère des applications industrielles, soit dans la sphère des applications agricoles. La valeur propre de ce concours dans le présent comme son influence réelle dans l’avenir sont là tout entières. Guidée par un secret instinct, l’attention des masses semble l’avoir deviné. Avec quelle persistance en effet, depuis l’ouverture de l’exposition, le flot des visiteurs ne s’est-il pas porté vers les accumulations d’articles élémentaires si curieux, si divers, provenant de tous les pays et surtout des états transatlantiques et des diverses colonies européennes[1]! Avec quelle curiosité sympathique ne s’est-il pas arrêté devant les appareils mécaniques propres à rendre plus avantageux l’emploi des matières premières !

Sur l’importance exceptionnelle de ces deux catégories de l’exposition, il serait superflu d’insister : l’esprit du lecteur devance la démonstration. On sait que dans nombre de branches les matières premières le plus usitées diminuent sensiblement sur tous les marchés où l’on avait coutume de les prendre. Ici, comme pour la soie, c’est un fléau persistant qui atteint la production dans sa source ; là, comme pour les bois employés dans les constructions diverses, c’est la longue imprévoyance apportée dans la reproduction qui occasionne une sorte de disette ; là-bas, sur l’autre rivage de l’Atlantique, la fureur destructive des hommes s’est tournée contre une des matières textiles les plus nécessaires à l’Europe. Partout enfin, dans le cercle des objets servant à l’alimentation publique, une disproportion réelle, quoique passagère sans doute, entre l’accroissement de la consommation et celui de la production, amène un renchérissement dont la fin toujours annoncée semble reculer toujours. Au milieu de toutes ces causes d’embarras, l’industrie manufacturière s’ingénie à suppléer à celles des matières premières qui sont amoindries ou qui ont disparu : elle demande des filamens textiles à tous les végétaux susceptibles d’en fournir ; elle utilise, à l’aidé des secours de la science, mille débris jadis dédaignés ; elle substitue le métal au bois ; en même temps elle vise à l’économie dans les prix de revient par le perfectionnement des instrumens du travail. L’industrie agricole, de son côté, comprend la nécessité d’accroître sa puissance et de diminuer ses frais par l’usage des agens mécaniques. Elle s’efforce avec une ardeur inquiète, hasardeuse peut-être sur certains points, d’acclimater dans des pays qui ne s’en occupaient pas cette

  1. L’Algérie offre sous ce rapport beaucoup d’intérêt ; son exposition est admirablement classée, seulement elle se trouve placée un peu trop à l’écart.