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est du devoir du gouvernement de leur venir en aide, ne serait-ce que pour donner le temps aux nombreux intérêts engagés dans notre petite navigation de se liquider et pour conserver à notre marine militaire le plus longtemps possible une source de recrutement dont elle ne peut pas encore se passer. Plusieurs moyens de soutenir notre cabotage ont été indiqués par les personnes les plus compétentes. On a demandé que l’exemption du pilotage dont jouissent seulement les navires d’une jauge inférieure à 80 tonneaux fût étendue à tout navire d’une capacité moindre de 200 tonneaux. Cette dispense serait sans inconvénient, car les hommes qui commandent nos bâtimens caboteurs connaissent aussi bien que les pilotes nos côtes et l’embouchure de nos fleuves. On propose aussi de dédommager notre cabotage de ce qu’il perd dans le trafic de port à port de notre littoral, en élargissant la zone de ses opérations par la liberté qui lui serait donnée de naviguer désormais pour toute destination en-deçà des caps. Il serait d’autant plus juste de faire ces concessions à notre marine de second ordre que, déjà dépossédée d’une partie de son domaine par l’industrie des chemins de fer, elle est encore menacée de subir prochainement une révolution radicale. Journellement nous voyons sur nos côtes se substituer à la navigation à voiles la navigation à vapeur. Celle-ci, on le comprend, est plus en mesure de soutenir la lutte contre les voies ferrées : elle le prouve déjà par les succès qu’elle obtient au moyen des lignes de steamers établies entre Dunkerque et Le Havre, Le Havre et Cherbourg, Bordeaux et Nantes.

Nous ne croyons pas que le principe de liberté en matière de navigation, dans la pensée de ses plus chaleureux partisans, puisse s’appliquer au cabotage. L’Angleterre, qui la première l’a adopté et qui est si sûre de sa supériorité, a fait elle-même une réserve à cet égard dans son bill de 1849 ; mais c’est tout ce que nous pourrons conserver, car l’intercourse nous échappera, il ne faut pas se faire illusion : au fur et à mesure que le cabotage se transformera en navigation à vapeur, nos rapports directs avec la Grande-Bretagne seront entretenus par le pavillon de cette nation. Déjà presque toute l’importation du charbon en France se fait au moyen de bâtimens de 800 à 1,000 tonneaux, auxquels les Anglais adaptent des machines de 60 à 80 chevaux de force. Notre infériorité pour leur disputer ce transport est trop manifeste pour que nous ayons besoin de la constater. Si on veut procurer à notre cabotage, dans l’état de détresse où il est, un nouvel aliment de vie, on pourrait le trouver en se retournant du côté de l’Espagne, et en exigeant de cette puissance l’observation des traités qui la lient envers nous. Aux plaintes que quelques délégués ont fait entendre à ce sujet, aux allégations