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traditions et rechercher des conditions plus économiques de navigation. En général, les capitaines de notre marine marchande sont supérieurs en théorie, mais peut-être en pratique le cèdent-ils aux Américains et aux Anglais[1]. Avant de commander, nos officiers subissent des examens sur la trigonométrie sphérique, l’algèbre, la géométrie, l’arithmétique. En Amérique, ces conditions ne sont pas exigées ; en Angleterre, les officiers de première classe doivent dans la pratique prouver leur aptitude au commandement d’un navire en pleine mer ; comme théorie, ils ont à présenter les calculs nécessaires, si l’on veut déterminer exactement la position du navire.

Le programme de nos examens éloigne un grand nombre de jeunes gens de la carrière maritime. La science de ceux qui triomphent dans ces épreuves reste bien souvent sans emploi. Il y aurait tout avantage à remplacer une partie des études théoriques par une plus grande pratique de la navigation. Nul n’est admis à commander au commerce s’il n’a servi trois ans à bord des vaisseaux de l’état. Rien de mieux ; cette condition peut contribuer à faire de nos jeunes officiers de bons marins et leur donner une certaine expérience ; mais on n’obtiendra pas ce résultat, si, comme on l’a déclaré à l’enquête, on leur apprend seulement sur les bâtimens de guerre à tirer le canon et à faire l’exercice[2].

Ces observations touchaient aux règlemens administratifs, troisième chapitre de l’enquête. Nous ne relèverons pas dans les dépositions recueillies tous les faits qui dénoncent une fois de plus la manie réglementaire de notre administration ; nous en citerons seulement quelques-uns.

On se sert dans toutes les marines étrangères du code Marryat ; la marine française l’avait adopté. Il y a trois ans, le ministre de la marine a imposé le code Reynolds, que tous les capitaines sont obligés d’acheter, quoiqu’ils ne s’en servent pas. Les bâtimens sont astreints à une sorte de fanal, à un cornet comme celui des chemins de fer, à une cloche d’une forme et d’un poids déterminés. Des inspections ont lieu pour juger si tous ces objets ont leurs conditions réglementaires. La cloche doit peser 20 kilogrammes ; si elle pèse 19, il faut la renvoyer au fondeur pour lui donner le kilogramme qui lui manque. On prescrit jusqu’à la dimension des lettres qui servent à inscrire le nom du navire sur la dunette.

À côté de ces règlemens, qui ne sont qu’un mode de tracasserie administrative, il en est d’autres d’une plus grande portée, qui, dans l’esprit des auteurs, sont destinés à fortifier l’inscription mari-

  1. Déposition de MM. Chalès et Le Pomellec.
  2. Déposition de M. Chalès, ancien capitaine de navire.