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régulier dans son pays et la conservation de l’alliance qui a le plus efficacement servi la renaissance italienne. Entre Victor-Emmanuel et Garibaldi, elles se sont prononcées pour Victor-Emmanuel ; entre la France et Garibaldi, elles ont opté pour la France. Encore une fois, dans une crise de vie ou de mort pour elle, la nation italienne vient d’étonner le monde par la justesse de son sens politique. Il ne serait pas plus équitable que politique de laisser sans récompense une telle conduite du gouvernement italien et de la nation italienne. Le peuple italien en résistant à la séduction garibaldienne, le gouvernement italien en comprimant une révolte qui inscrivait sur son drapeau l’objet même des plus pressantes nécessités et des vœux les plus ardens de l’Italie, ont rendu à la France un service positif, dont la justice autant que la politique nous obligent de leur tenir, compte. Serait-il sage en effet et serait-il généreux d’exposer le gouvernement et le peuple, italien à la répétition des épreuves dont ils viennent de triompher à notre profit ?

Il faudrait que l’on voulût bien comprendre en France que la possession de Rome n’est pas pour l’Italie l’exigence illusoire d’une ambition enivrée, mais que pour ce pays, dans la nouvelle organisation où il cherche la résurrection de sa nationalité et la force de son indépendance, elle est une nécessité positive et absolue. Tout est instable dans le nouvel ordre de choses italien tant que le nœud de a nationalité n’est point serré à Rome même. Le Piémont est le principal auteur de la résurrection italienne. Les autres parties de l’Italie lui doivent tout : la dynastie, l’armée, Cavour, l’homme d’état qui a eu la conception politique de l’unité, et jusqu’au héros inquiet de la passion nationale, aujourd’hui si sévèrement traité par la fortune. Aucun patriote des autres parties de l’Italie ne peut méconnaître les services inestimables, rendus par le Piémont à la nation, et ne saurait contester les titres de son heureuse prépondérance dans la direction des destinées italiennes. Cependant le gouvernement pratique d’un peuple, la gestion des affaires quotidiennes, la manipulation des intérêts ordinaires ne se peuvent conduire par de constats élans d’enthousiasme ou par le sentiment contemplatif de l’équité philosophique. Dans les grands jours, d’effusion patriotique, toutes les parties de l’Italie, le nord, le centre, le sud, affirme avec une sincère exaltation l’unité nationale ; mais de tels jours ne composent point l’entière existence d’un peuple. Ce sont les fêtes de la vie nationale, momens brillans qui ne suppriment point la vie uniforme des affaires, où l’exaltation se refroidit, où reparaissent les habitudes diverses, les intérêts distincts, les traditions et les originalités différentes, et toutes les variétés, que le climat et l’histoire ont établies entre les groupes de la famille italienne. Dans ces jours prosaïques, qui sont les plus nombreux, on remarque en Sicile, à Naples et ailleurs que si le Piémont a eu l’insigne mérite de l’initiative et de la discipline dans les dernières transformations de l’Italie, il n’est point cependant l’expression complète du génie italien, et ne peut pas fondre tous les élémens italiens dans les limites restreintes de ses anciens cadres. L’Italie sent qu’elle n’est