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faveur de l’aspiration nationale vers Rome, n’a pas pu échapper aux troupes, qui ont enfin été vigoureusement lancées après lui. Une première dépêche annonçait qu’il était suivi de près vers Aspromonte ; une seconde, qu’il avait été attaqué par les troupes royales. Quels ont été les incidens de la dernière scène du drame ? A-t-il réellement voulu combattre ? Est-il tombé seulement en essayant de gagner à sa cause, lui qui était sorti de la légalité, des soldats demeurés fidèles à la discipline ? Tristes doutes qui seront bientôt éclaircis ; mais, quelles que soient les circonstances au milieu desquelles a été frappé Garibaldi, dans un pays comme le nôtre, où le sentiment populaire a pardonné à de nobles victimes d’entraînemens qui n’étaient pas moins coupables, toute commisération généreuse, nous l’espérons, ne sera point refusée à cet homme ardent et tumultueux qui expie si douloureusement aujourd’hui un égarement du patriotisme.

La question maintenant, pour la France et pour le gouvernement italien, est de dégager les enseignemens qui ressortent de cette échauffourée, et de tirer le meilleur profit de l’échec que vient de subir en Italie le parti qui ne recule pas devant les moyens révolutionnaires.

Considérons d’abord la question au point de vue de la France. Ce qui consternait en France l’opinion libérale dans l’entreprise de Garibaldi et, nous osons le dire, tous ceux qui apportent dans l’examen des affaires d’Italie un véritable esprit de logique politique, c’était la position déplorablement fausse où nous aurait placés une tentative de Garibaldi sur la portion du territoire romain qu’occupent nos troupes, c’était le rôle contradictoire qui se fût imposé à la France en présence d’une Italie échappée à la direction de son gouvernement régulier et livrée à l’arbitraire révolutionnaire. Un tel état de choses, en mettant en jeu l’honneur militaire de la France, nous dépouillait de notre liberté d’action politique et nous enlevait la faculté de résoudre la question romaine. C’est bien nous alors qui eussions été en péril de réaliser le mot que l’on a prêté à Garibaldi et de défaire notre œuvre de nos propres mains. Entraînés, par un choc avec les démonstrations révolutionnaires, à heurter et à comprimer le sentiment national de l’Italie, nous qui nous flattions d’avoir été les libérateurs de la péninsule, nous en fussions devenus les oppresseurs apparens, nous eussions peu à peu assumé sur nous les responsabilités odieuses qui ont été si funestes à l’Autriche. Trois ans après avoir soustrait l’Italie à l’influence autrichienne, il serait arrivé que nous n’eussions réussi qu’à relever l’Autriche dans le poste si ingrat et si peu glorieux de gendarmes de l’Italie.

Jamais politique ne se fût couverte d’une pareille confusion, ne se fût, par son imprévoyance, plongée dans de plus graves embarras, et ne se fût bafouée elle-même d’une façon à la fois plus ridicule et plus triste. Voilà la perspective qui nous faisait trembler, et qui, nous en sommes convaincus, préoccupait dans notre gouvernement ceux qui ne sont point disposés à s’abandonner au cours des événemens avec une légèreté capricieuse et efféminée. Voilà le péril que, grâce à Dieu, l’échauffourée garibaldienne n’a