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obstacle aux emportemens abolitionistes, il a d’abord opposé son veto à l’émission des papiers inférieurs à 25 francs. Il lui répugnait instinctivement d’en venir à ce point où les flots de la circulation ne rouleraient plus que du papier. Les demi-mesures en économie politique ont souvent des inconvéniens plus graves que les partis extrêmes. Quelque précaution qu’on prenne pour empêcher l’avilissement d’un papier-monnaie, il est à peu près impossible de le conserver au pair de l’or et de l’argent. Si l’assignat arrive à perdre 20 pour 100, exiger que tous les achats inférieurs à 25 francs soient soldés en monnaie métallique, c’est renchérir de 20 pour 100 toutes les consommations usuelles et paralyser le commerce de détail par un impôt désastreux. D’un autre côté, des assignats de très petite coupure, ayant cours forcé et non convertibles, auraient chassé complètement du marché l’argent et le cuivre. M. Chase, qui paraît unir beaucoup de décision à une véritable habileté, a résolu le problème par une innovation assez ingénieuse. Après avoir obtenu du congrès l’autorisation de couper en billets inférieurs à 25 francs une somme de 125 millions de francs, il met en circulation des espèces de timbres-poste de la valeur de 5 centimes (1 cent ou la centième partie du dollar), qui n’ont pas cours forcé entre particuliers, mais auxquels on substitue à volonté des timbres gommés pour les affranchissemens de lettres et de journaux : c’est une manière de rendre convertibles en espèces des billets d’une valeur imperceptible. Le petit commerce paraît disposé à accueillir cette innovation, qui doit être mise en pratique aujourd’hui même, 1er septembre 1862.


IV. — RESULTATS FINANCIERS ET POLITIQUES.

Il est temps de dire ce que sont devenues les finances de l’Union sous les coups répétés de ces expédiens. Pour commencer par la dette publique, on y distingue trois catégories : 1° la dette inscrite et classée. Le capital, qui était de 329 millions de francs avant la guerre civile, dépasse actuellement 1,142 millions. L’intérêt, qui varie entre 5 et 7 fr. 30 c. pour 100, s’élève à 77 millions. La date la plus éloignée pour le remboursement intégral est 1881. — 2° La dette flottante : 1,093 millions, sans intérêts pour la plus grande partie et ne formant qu’une charge assez légère de 2,529,608 francs. — 3° Emprunts autorisés en émission. Quoique ce fonds de rentes ne soit probablement pas encore classé complètement, on peut des à présent l’ajouter au total de la dette, parce qu’il ne sera pas même suffisant. Le capital s’élève à 3 milliards 250 millions, supportant 6 pour 100 d’intérêt et remboursables en vingt ans au plus tard. En définitive, la réunion des trois espèces de dettes forme une charge de 5,484,759,200 francs en capital, et de 274,583,338 francs pour