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est vraie aussi pour les états napolitains, et sera reconnue juste par ceux qui, les ayant parcourus sous le règne des Bourbons, les visitent aujourd’hui. La liberté porte en elle une force vitale qui, par elle-même, ranime les contrées les plus éteintes. Si aux bienfaits inhérens à un régime libre on ajoute la vivification des grands travaux d’utilité générale, je ne sais trop ce que les anciennes provinces napolitaines auront à envier aux autres nations.

En dehors des hommes d’état chargés de maintenir le statut dans son intégrité et d’en assurer l’exécution, c’est d’un bon ministre des travaux publics que l’Italie a le plus besoin à cette heure, et ce qu’il faut donner à Naples au plus vite, c’est un excellent préfet de police. Avec de simples arrêtés auxquels ceux de la police parisienne pourraient, dans beaucoup de cas, servir de modèles, on ferait facilement de Naples une ville merveilleuse. Elle a été, je le sais, longtemps réfractaire à toutes les améliorations ; indolemment couchée sur le rivage de la mer, presque endormie sous la chaleur de son soleil énervant, elle s’est plu, pour ainsi dire, dans sa paresse et sa malpropreté. Je sais qu’il a fallu user de supercherie pour qu’elle consentît à éclairer ses rues, dont la nocturne obscurité favorisait les voleurs ; il a fallu à chaque carrefour élever des tableaux de sainteté et des statues de la Vierge pour avoir un prétexte à allumer des lampes votives qui, du moins, répandaient quelque clarté. C’est à grand’peine et avec mille ménagemens qu’on a pu y introduire le gaz ; mais on a eu soin d’écarter démesurément les candélabres les uns des autres, de façon à ménager une demi-obscurité propice aux méfaits qui réclament la nuit. Bientôt il n’en sera plus ainsi. Un traité vient d’être passé avec une compagnie française pour l’éclairage au gaz de la ville de Naples, j’entends de la ville entière et non pas seulement, comme aujourd’hui, des rues principales ; mais tout est à faire, les lanternes, les tuyaux, le gazomètre, et dans dix-huit mois seulement les travaux seront exécutés. Un nouveau port, dont le roi a solennellement posé la première pierre, va être construit à l’est de la ville, où tout un quartier neuf doit être bâti, ce qui permettra de faire des trouées dans ce qu’on appelle le vieux Naples, et de donner de l’air à ces ruelles infectes qui sont des foyers de mortalité pendant les épidémies. Le service de voirie n’est pas fait dans la ville, des immondices s’y accumulent, empestent l’atmosphère, et ne sont souvent enlevées que par les hasards d’un orage qui les entraîne à la mer ; un arrêté municipal et l’embrigadement de deux ou trois cents balayeurs suffiraient à nettoyer une ville dallée, où les pluies sont rares, et qui n’a point, comme Londres et Paris, le double inconvénient du macadam et d’un climat humide. Naples manque d’eau, et l’on pourrait presque affirmer que ses fontaines publiques sont insuffisantes à la désaltérer ; il est inexplicable