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sous forme de dépôts portant intérêts, le groupe de ces capitalistes déclassés s’organise, remplit les formalités et crée une banque de plus. Cette manière d’opérer est propre à toutes les classes. Lorsqu’on décompose les titres d’actionnaires, on y trouve en majorité le personnel qui l’orme ailleurs la clientèle des caisses d’épargne : des femmes veuves, de petits marchands, de petits employés, des matelots, des ouvriers, des domestiques. Le banking System n’est pas là une machine au service d’un petit groupe : c’est un organe vital, qui intéresse la société tout entière.

Un autre effet non moins remarquable de ce régime résulte de l’obligation imposée aux banques de consigner des titres de rentes ou d’hypothèques en garantie de leurs propres signatures. Cela tend évidemment à réduire l’usage des billets à vue et au porteur. Si vous jetez les yeux sur un des bilans de la Banque de France, vous verrez que la somme des billets au porteur est presque toujours équivalente au montant des escomptes et des prêts effectués : c’est que la pratique française consiste surtout dans la substitution d’un papier de confiance utilisable immédiatement à un papier également bon par lui-même, mais n’étant pas dans les conditions voulues pour être immédiatement monnayé. Sous l’influence de la législation new-yorkaise, les choses se passent autrement que chez nous. La grande habileté des banques est et doit être de faire beaucoup d’affaires en employant le moins possible de billets au porteur : le billet n’est en quelque sorte que l’adresse du comptoir. Si l’on consulte les bilans, on verra que la somme des billets en circulation est en général quatre fois moindre que celle des prêts et escomptes ; on s’en sert d’autant moins que la population devient plus dense. Pour New-York -City, 40 millions de billets suffisent pour faire 6 ou 700 millions de crédits sous diverses formes. Le grand commerce évite les mouvemens de papiers et d’espèces au moyen des clearing houses, où se balancent les comptes. Le clearing house de New-York règle ainsi chaque jour pour plus de 100 millions d’affaires, et celui de Boston pour une trentaine de millions. Même dans la vie privée, il est passé dans les mœurs de ne pas garder d’argent à domicile. On le dépose en compte courant, et à chaque besoin ressenti on paie ce qu’on achète au moyen d’un mandat à vue sur la banque, dépositaire. Ce mandat passe de main en main : le chèque du particulier fait l’office du billet de la compagnie et le remplace.

Ce système précipite les affaires d’une manière à peine croyable pour nous. En Amérique, l’escompte des véritables effets de commerce tient sans doute la moindre place dans le bilan des opérations. Sous l’excitation d’une concurrence acharnée et d’une cupidité instinctive, les directeurs de banques font des affaires de toute sorte. On procède le plus souvent par des ouvertures de crédits à