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modeste, cette sculpture économique, expéditive, presque de pacotille, sorte de carton-pierre des anciens, n’en est pas moins, à notre avis, un des sujets d’étude les plus féconds et les plus attrayans, un des plus sûrs moyens de mesurer la portée, de sonder la puissance de l’art dans l’antiquité. Aussi la salle où nous venons d’entrer, cette longue et immense salle, garnie, d’un bout à l’autre, de fragmens de ce genre, est-elle, selon nous la partie la plus neuve, la plus originale de toute la collection Campana. Des figurines de terre cuite, des lampes, des antéfixes et autres menus objets, on en voit et en assez grand nombre dans la plupart des cabinets d’Europe : nous en avons au Louvre de délicieux échantillons ; mais ici, c’est tout autre chose. D’abord les figurines, les lampes, les antéfixes se multiplient par centaines et comme à profusion, puis il s’y joint une suite innombrable de monumens encore plus rares, ou du moins presque introuvables, ailleurs, sorte de grandes tuiles, ou plaques rectangulaires, sculptées sur une seule face, et destinées évidemment à s’incruster comme des bas-reliefs soit dans les parois extérieures, soit même à l’intérieur des portiques et des habitations. C’étaient probablement les bas-reliefs de la petite propriété, de ceux qui, pour décorer leur maison, hésitaient à faire sculpter le marbre. Application charmante de l’art à l’industrie ! Devant ces fermes saillies et ces vives arêtes, comme ce pauvre carton-pierre, avec ses contours baveux, fait misérable figure ! Quels trésors que ces plaques sculptées ! quelle variété de motifs ! quelle symétrie sans froideur ! quelle grâce dans ces rinceaux ! quel mouvement dans ces personnages ! C’est le génie de l’ornementation. La plupart de ces bas-reliefs sont empruntés sans doute à des œuvres connues, à des œuvres de maîtres, mais ajustées, modifiées, réduites avec un bonheur sans égal. Quiconque, entre ces deux haies de sculptures animées, souples et intelligentes, restera froid, et ne sentira pas, comme s’il se promenait dans les rues de Pompéi, renaître devant soi les générations qui vécurent sous les lambris, sous les portiques que ces terres cuites ont décorés, nous le tenons pour rebelle à tout sentiment de l’art. C’est un Pompéi en miniature que cette partie du musée Campana. L’effet, comme à Pompéi, est un effet de masse ; il ne résulte pas de tel ou, tel objet plus merveilleux, plus exquis que les autres, il provient de l’ensemble. Il y a des sommités, mais peu saillantes. Ce qui est saisissant, c’est cette ampleur, cette abondance, c’est cette variété sans fin que domine partout une grande unité.

Aussi nous voudrions qu’au Louvre on ne négligeât pas ce légitime moyen d’effet, que, sous prétexte de double emploi et parce que certaines pièces sont plusieurs fois répétées (mais toujours avec variantes), on n’allât pas pousser trop loin en faveur des musées de province le système des libéralités. En un mot, nous souhaitons