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dans le premier système, dans le simple prélèvement. Plus d’accaparement complet. Parmi ces vases de forme singulière, deux cent trente-trois pièces, et des meilleures, on peut le craindre, nous ont été soustraites : c’est beaucoup ; mais on nous a laissé de telles compensations que nous ne songeons pas à nous plaindre. Ajoutons que dans quelques sections, et des plus précieuses scientifiquement parlant, telles que les vases de Cœre et les vases à inscriptions corinthiennes, on nous a tout laissé, rien ne nous manque. Et enfin c’est encore une bonne fortune que d’avoir sauvé du naufrage un des produits les plus extraordinaires de la céramique antique, ce groupe funèbre découvert à Cœre et désigné sous le nom de tombeau lydien, œuvre étrange, à la fois raffinée et barbare, et d’un type oriental tellement prononcé, qu’on croit entendre ces deux époux confirmer de leurs bouches les récits d’Hérodote sur le berceau des peuples d’Étrurie.

La série céramique une fois épuisée, nous n’avons plus à constater de la part de la Russie que des conquêtes de peu de conséquence, et rien qui nous inspire de sérieux regrets. Ainsi le grand camée en calcédoine représentant l’impératrice Livie et l’anneau d’or joint au camée, qui reproduit les mêmes traits, ne sont pas, ce nous semble, des pièces introuvables ; et quant aux fresques de la villa Spada, sans pouvoir en juger par nous-même, faute de les avoir vues, nous hésitons beaucoup à croire que Raphaël en soit l’auteur. La tradition qu’on invoque semble suspecte à bien des gens. M. Passavant la rejette, et quoique les arrêts du célèbre critique ne soient pas, selon nous, toujours irréfragables, il y a tout lieu de croire qu’en cette circonstance il n’use que d’un droit de juste sévérité. Nous pensons donc qu’on peut se résigner sans peine à voir ces fresques à l’Ermitage.


II

Et maintenant nous touchons au port. Vix tandem redit animus ! Nous n’apercevons plus devant nous que des séries restées vierges, qui sont à nous, et tout entières. Nous en avons fini avec les Russes. Il y a bien encore les Anglais, qui, eux aussi, prétendent s’être mis à table avant nous et avoir dégusté quelques prémices du festin. C’est le conservateur du musée de South Kensington qui a mis récemment en lumière ce trait d’habileté britannique. En publiant le catalogue des richesses confiées à sa garde, il s’est permis à notre adresse une préface tant soit peu railleuse, où il se vante d’avoir acquis du marquis Campana la plupart des sculptures italiennes des XVe et XVIe siècles qui ornent le musée anglais. Il paraît que, vers les