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bien que d’usage domestique, tels qu’on en voit à Naples une suite si prodigieuse dans le musée Bourbon. Tout cela réuni ne fait pas moins de cent trente-sept pièces de sculpture en métal, bien choisies, il faut le reconnaître, et vraiment de grand prix. Ne nous étonnons pas s’il en résulte un certain vide. Dans la collection la plus riche, on ne supprime pas ainsi cent trente-sept morceaux de choix sans que les rangs s’éclaircissent, surtout les premiers rangs, et c’est là le plus grave. S’il ne fallait que compter les pièces, le mal ne serait pas grand. Il nous en reste encore six fois plus qu’il ne nous en manque.

Mais là n’est pas notre consolation : ce qui vaut mieux, c’est que malgré tout nous possédons encore une assez large part d’œuvres de premier choix. Point de statues, peu de statuettes vraiment belles, point de candélabres à figures, ces catégories-là ont été presque épuisées ; mais en revanche nous avons un magnifique fragment de bas-relief repoussé, quelques belles armures, surtout des casques de forme et de travail peu vulgaires, plus de cent miroirs gravés dont quelques-uns très rares et d’une vraie beauté, une collection d’ustensiles domestiques et d’objets de toilette qui à elle seule vaut un petit musée, et enfin plusieurs beaux exemplaires de ces coffres de bronze connus sous le nom de cistes, monumens d’un très grand intérêt, dont la destination véritable n’est pas encore parfaitement connue, mais sur lesquels évidemment les artistes de l’antiquité exerçaient avec prédilection et leur science et leur talent. D’une main délicate et sûre ils dessinaient sur les parois de ces cylindres, soit d’après leurs propres idées, soit d’après les souvenirs des maîtres, des scènes gravées en creux, tandis qu’ils décoraient les pieds, les anses et surtout le couvercle de figures sculptées en relief. Le mélange de ce dessin à fleur de bronze et de ce robuste modelé est d’un effet délicieux. Il faut en convenir, c’est un heureux hasard que ces cistes nous soient restées, et si M. Guédéonov était libre de s’en emparer, il a droit à notre gratitude. Aussi nous vient-il un doute. Cinq de ces cistes, nous dit la notice officielle, proviennent des fouilles faites par le prince Barberini sur le sol de l’antique Préneste. Étaient-elles donc passées du palais Barberini au palais Campana ? ou bien les aurions-nous acquises, comme une partie des bijoux exposés dans cette même salle, par un marché supplémentaire, auquel cas l’abnégation de la Russie deviendrait toute naturelle ? A consulter nos propres souvenirs, nous penchons vers cette explication sans craindre qu’on nous accuse d’avoir mal deviné ; mais, quelle qu’en soit l’origine, ces cistes sont les bienvenues. Nous n’allons pas jusqu’à prétendre, comme le veut la notice, que la plus grande, le numéro 86, soit pour le moins égale à cette autre célèbre ciste que