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le roi George voulait lui assurer à jamais ? Au seul nom de Hongrie, de hideux souvenirs se dresseront d’un bout de la Bohême à l’autre, et il faudra que les Magyars soient purifiés à leur tour par deux siècles de souffrance et d’héroïsme pour que ces haines s’évanouissent enfin à la lumière du XIXe siècle.

Est-ce assez de montrer la grandeur du roi George sur la scène de son temps ? Je ne le pense pas ; maintes réflexions se pressent dans notre esprit au récit de ces tragiques aventures, et nous manquerions à notre tâche, si nous ne cherchions pas à dégager quelques-unes des leçons qu’elles renferment. L’historien de la Bohême ne voit ici que la Bohême ; pour nous, moins touché des intérêts d’un peuple que des destinées de l’humanité, moins préoccupé des malheurs du passé que des inquiétudes de l’avenir, ce qui nous frappe particulièrement dans cette noble histoire, c’est la naïve et loyale hardiesse du prince chrétien. Bon gré, mal gré, des rapprochemens involontaires s’imposent à nous à la vue de ces luttes d’un autre âge. Au moment où une science courageuse exhume du tombeau d’une nation l’adversaire d’Æneas Sylvius et de Paul II, le pouvoir temporel des papes, occasion de tant de fautes, source de tant de misères pour la divine église de Jésus, est menacé d’une déchéance inévitable. Or, que demandait le roi George, et par quelles nouveautés avait-il attiré sur sa tête les foudres du saint-siège, lui qui ne repoussait aucun des dogmes internes du catholicisme, lui qui avait foi aux mystères, à tous les symboles consacrés par les siècles ? Ce n’était pas sans doute une question de forme dans l’administration de l’eucharistie qui justifiait les fureurs dont il fut la victime ; que voulait-il donc, encore une fois, et d’où venaient contre lui tant d’implacables haines ? Il voulait quelque chose d’analogue à ce qui s’accomplit sous nos yeux, la destruction de la théocratie. Or, si la Providence gouverne l’histoire, il faut bien reconnaître qu’elle a donné raison au roi George, car les faits dont nous sommes témoins ne sont pas une explosion inattendue ; voilà plus de trois cents ans que cette théocratie, circonscrite d’abord, puis démantelée pièce à pièce, a été peu à peu réduite à ce douloureux état, où elle n’est plus protégée que par sa faiblesse même. Mais poussons plus avant l’analyse des pensées du roi George. En désirant la fin de la théocratie, le roi de Bohême faisait-il des vœux contre l’unité de l’église ? Non, certes ; il prétend rester catholique malgré ceux qui le repoussent. Il vénère, même chez son ennemi, le représentant de l’unité chrétienne, et c’est pour cela qu’au lieu de ruser avec lui comme Louis XI, il le supplie sans cesse, il lui demande la paix, il voudrait le voir, lui parler, lui ouvrir son cœur, tant il a conscience de la sincérité de sa foi. Seulement cette unité qu’il aime est l’unité