Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la bénédiction universelle, et qu’il vouait en termes outrageux à la haine de la chrétienté ? La diplomatie pontificale s’agita beaucoup autour du margrave ; on l’avertit, on employa les menaces, et comme le margrave inflexible persistait dans son dessein, ses états furent frappés d’interdit le 15 octobre 1466. Les agens de la politique romaine essayèrent aussi d’effrayer la conscience de la jeune princesse. Violences publiques, violences secrètes, tout fut inutile. Le mariage fut célébré dans la ville d’Egra le 10 février 1467, c’est-à-dire au moment même où des bandes de croisés allemands, sans autres chefs que des moines fanatiques, se glissaient furtivement dans les défilés de la Bohême.

Les victoires du roi, la fermeté de son administration au milieu des désordres de la guerre civile, les hautes sympathies qui de jour en jour se manifestaient pour lui, commençaient à décourager ses adversaires. Le roi n’avait pas craint d’accorder une trêve de six mois aux barons de la ligue catholique, et en même temps qu’il dédaignait ainsi les nouvelles entreprises de ses sujets rebelles, il déclarait la guerre à celui qui les soutenait, à l’empereur Frédéric III en personne. Le prince Victorin venait d’envahir l’Autriche à la tête d’une petite armée, et, profitant des divisions du pays, il marchait victorieusement sur Vienne (1468). Cette trêve accordée aux ligueurs par un double sentiment d’humanité et de dédain, cette invasion audacieuse des états de l’empereur, attestent la solide puissance du roi de Bohême. George de Podiebrad recueillait le fruit de ses longs efforts ; grâce à l’ordre qu’il avait établi, aux institutions qu’il avait mises en vigueur, et pour ainsi dire au peuple nouveau qu’il avait créé, il pouvait mener de front une double guerre sans avoir à déchaîner la révolution. Pendant que les ligueurs se réunissent en parlement à Breslau, envoient une ambassade au pape, implorent le secours du roi de Pologne, se cherchent partout des alliés ; pendant que le prince Victorin s’avance sur Vienne et porte la terreur dans le palais de Frédéric III, le roi de Bohême continue de gouverner son peuple dans le même esprit de sagesse et de modération. Attentif aux nécessités de la guerre, il n’oublie pas les devoirs de la paix. Il s’applique surtout à réprimer le fanatisme des anciens jours, afin que nulle violence ne vienne déshonorer la sainte cause qu’il défend. Sous le coup des provocations du pape, les calixtins ont été entraînés à affirmer leurs doctrines avec une plus virile énergie, et une secte nouvelle vient de se former. Ce sont ces frères de l’unité, chrétiens pratiques et mystiques à la fois, qui, se détournant des choses mondaines, repoussant toute alliance du spirituel avec le temporel, abandonnant toute église constituée, même celle des hussites, parce que les églises de leur temps sont trop mêlées aux intérêts politiques, ne reconnaissent d’autre loi que l’Évangile, d’autre pontife que Jésus-