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renouvelée dans toutes les formes le 23 décembre 1466. Trois mois après, aux fêtes de Pâques, l’anathème sera confirmé d’une manière plus solennelle encore. C’est le jeudi saint, le grand jour de la bénédiction urbi et orbi ; le pape est porté sur son trône au balcon de la vieille, basilique de Saint-Pierre ; cardinaux et prélats lui font un éclatant cortège ; sur la place, dans les rues, une foule immense, accourue de toutes parts, vient recueillir les paroles d’amour que le vicaire du Christ doit envoyer à la ville, et de la ville à l’univers. Or, avant de bénir et Rome et le monde entier, Paul II, les mains levées au ciel, commence par jeter des clameurs, de malédiction : « Anathème sur George, de Podiebrad, anathème sur ses amis, ses partisans, ses alliés, anathème sur quiconque lui prêtera obéissance ! » Et chaque année, pendant les luttes que nous avons encore à décrire, ce même cri retentira du haut de la basilique ; chaque année, avant la bénédiction universelle, le nom des Bohémiens maudits sera signalé à l’exécration de la chrétienté ; chaque année enfin on verra s’allonger la liste, car les amis du roi ne seront pas tous, désignés en masse, quelques-uns seront apostrophés directement : un jour ce sera son conseiller Grégoire de Heimbourg, une autrefois ce seront les princes ses fils. La reine elle-même, la pieuse reine Jeanne, aura sa place dans ces litanies de la haine.

Le siècle de George de Podiebrad n’est pas le siècle des Innocent III et des Boniface VIII. Après la période des. schismes, après l’opposition des conciles, dans un temps qui avait vu se déployer avec vigueur l’esprit des églises nationales, les condamnations du saint-siège n’avaient plus le pouvoir de bouleverser l’Europe. Ne croyons pas cependant que ce fussent des armes impuissantes. Si les politiques souriaient, avec dédain, plus d’un cœur simple était troublé. Des prédicateurs fanatiques commentaient les bulles papales dans maintes contrées allemandes, et prêchaient la croisade contre le Bohémien. À Leipzig, à Erfurth, les étudians délibérèrent en tumulte sur la conduite qu’ils devaient tenir ; ils voyaient déjà en imagination recommencer les guerres de Ziska, et, tout en blâmant les témérités de Paul II, ils se demandaient s’il ne fallait pas frapper la Bohême avant l’explosion de sa colère. Malgré les sympathies des princes pour le roi George, des corps francs s’organisèrent sur plusieurs points de l’Allemagne. C’est alors que Grégoire de Heimbourg conseilla au roi de suspendre l’effet du jugement par une mesure hardie, mesure bien conforme d’ailleurs à l’esprit du XVe siècle et à l’inspiration secrète du pays de Jean Huss : l’appel au futur concile œcuménique.

Le 14 avril 1467, le roi George rassembla subitement dans son palais tous les chefs catholiques qui se trouvaient alors à Prague. Assis sur son trône, il lut un manifeste où étaient dévoilées les iniquités