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Virgile et d’Auguste. Ainsi la fontaine d’Égérie n’est plus qu’un nymphée du temple de Vespasien ; le temple de Romulus, après être devenu un Sérapéon, n’est plus consacré qu’au fils de Maxence. Le temple de la Concorde que bâtit Camille n’est plus même celui où Cicéron dénonçait Catilina ; il n’est qu’une restauration de Septime-Sévère.

Rome, à commencer par sa topographie, a été l’objet des plus doctes recherches et des hypothèses les plus ingénieuses. La théorie de Rome, si l’on peut ainsi parler, a eu ses révolutions, comme s’il s’agissait d’une science philosophique. Cependant il semble qu’on soit enfin arrivé à quelques résultats certains, et que les plus défians, après avoir toujours consulté Nibby, puissent faire fond aussi sur les indications du commandeur Canina et de M. Rosa, apprendre à spéculer savamment avec Bunsen, qui a continué Niebuhr au milieu des ruines de Rome, et attendre pour s’engager définitivement que M. Ampère, descendant le cours des âges, ait en passant marqué la place et la date de tous les monumens que lui recommanderont les événemens de l’histoire.

C’est bien dommage d’être ignorant ; on y perd mille occasions de s’intéresser ; la signification des choses échappe. Lorsque rien d’un monument n’est intact, lorsque tout se réduit à des pans de murailles et aux linéamens des fondations, le savoir seul peut, grâce à l’artifice d’une restauration idéale, se rendre quelque chose décompression qu’aurait produite la réalité et revoir en esprit ce que le temps a renversé. Pour les profanes comme nous, il faut un monument encore intact dans ses masses principales ; ou, qui du moins, de la hauteur de ses murs, du dessin de ses voûtes, de ses colonnes, de ses entablemens, gardent des spécimens maintenus encore dans leur aplomb. Nous pouvons alors nous former quelque image de l’édifice entier et retirer de ses débris une idée de l’ensemble. Or à ces conditions il faut tristement avouer que Rome possède peu de ruines assez entières et assez belles pour provoquer dans sa plénitude l’admiration de l’art. Sept ou huit peut-être me paraissent atteindre à la beauté ; quelques-unes ont des parties sublimes comme le Panthéon, aucune n’est un chef-d’œuvre achevé. Auprès de ces antiquités conservées dans leur masse, il en est de presque ruinées qui exigent un regard plus attentif, mais peuvent inspirer un intérêt non moins puissant. C’est pour celles-ci que M. Ampère nous vient admirablement en aide. Tel est dans presque toutes ses parties le Forum romanum que le passé a dévasté, que le présent néglige, mais, comme on l’a vu, il y faudrait encore des réparations, j’entends des travaux qui en découvriraient tous les restes et les isoleraient. Trois caractères semblent nécessaires pour qu’une ruine