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ont ordonné des travaux que peuvent avouer l’antiquaire et l’artiste ; mais combien il reste à faire ! Et ce qui reste à faire ne serait ni dispendieux ni difficile.

On remarquera que le temple de Saturne est, de toutes les ruines qui viennent d’être nommées, la seule à laquelle le livre de M. Ampère nous ait préparés. Il occupe en effet la place de ce monument saturnien qui datait peut-être de l’époque fabuleuse des premiers Latins, qui de bonne heure du moins en consacra le souvenir. La montée triomphale ne fut que sous la république, là où nous l’avons placée. À gauche, l’emplacement des temples de Vespasien et de la Concorde était une plate-forme où l’on érigea un autel à Vulcain. Sur le bord était dressée en arc de cercle, comme les chaires des églises italiennes, la tribune aux harangues. Si l’on s’y transporte par la pensée, au lieu de cette confusion de rues et de maisons vieilles et modernes que de là on verrait aujourd’hui sur la gauche, il faut se représenter d’abord, sur un terrain un peu élevé, un édifice quadrangulaire, la curie, le palais du sénat, à la place de l’église de Saint-Adrien ; au-dessous et un peu plus près, le Comitium, enceinte découverte où délibéraient les patriciens ; enfin, dans l’axe du Capitule, à droite et au-delà du Comitium, le Forum, l’assemblée du peuple, la place des plébéiens. Ainsi un orateur d’une voix puissante pouvait se faire entendre de la curie, du Comitium et du Forum. Cette disposition générale remontait au temps des rois contemporains de la formation des grandes divisions de la société romaine ; mais elle se marqua davantage et se conserva longtemps sous la république, qui dissémina dans cet espace quelques édifices particuliers. Par exemple on croit qu’au-dessus de la tribune Camille éleva le temple de la Concorde, où le sénat se réunit plus d’une fois. Un lieu d’attente fut ménagé tout auprès pour recevoir les Grecs, c’est-à-dire les ambassadeurs. Des statues votives consacrèrent de nobles ou précieux souvenirs. Toute cette description, l’aspect des lieux ne nous la suggérerait pas ; c’est de M. Ampère que nous l’avons apprise, et nous ne la voyons que par ses yeux : avant lui, il y avait encore de l’incertitude sur cette topographie pour ainsi dire constitutionnelle de Rome politique. Avec lui, il suffit de se rappeler les lieux pour qu’elle se dessine avec netteté. Et cependant de quels tristes hors-d’œuvre cet espace consacré par l’histoire n’est-il pas encombré ! L’empire a élevé sur les fondations d’un autre âge ses monumens de vanité ou d’adulation, que le moyen âge a encore dépouillés ou dégradés, faisant un grenier à sel du Tabularium et un bastion de l’arc de Septime-Sévère, jusqu’à ce qu’enfin le sans-façon des derniers siècles ait tout rempli de maisons bourgeoises, de logis d’ouvriers, de boutiques infimes,