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bord de ces navires, leurs entre-ponts sont comparativement obscurs, leur ventilation laisse encore à désirer. Ce sont des causes de désagrément, ce pourrait même être des causes d’insalubrité, si l’on n’y portait une attention rigoureuse. On reproche encore à ces navires non-seulement d’être très coûteux, mais aussi d’être, dans les conditions actuelles de leur construction, menacés d’une détérioration rapide. L’alliance du fer et du bois dont se composent leurs murailles n’a jamais été très durable à la mer. Le bois pompe facilement l’humidité, et partant il offre des occasions incessantes de s’oxyder aux milliers de chevilles qui fixent les plaques. Une fois oxydées, ces chevilles diminuent de diamètre, jouent dans leurs trous, et détruisent à leur tour la muraille de bois. C’est une cause d’affaiblissement réciproque et continu. On dit enfin que sur ceux de ces bâtimens dont la membrure est en bois et dont la carène est doublée de cuivre jusqu’à la hauteur de la cuirasse, il s’établit par le voisinage des deux métaux un courant galvanique qui tend à les détruire l’un par l’autre.

À bien considérer les choses cependant, ces critiques, et quelques autres qu’il est inutile de reproduire, ne portent que sur des questions de détail que l’art de l’ingénieur résoudra, si même il ne les a pas déjà résolues en partie. La ventilation de la Gloire n’a-t-elle pas été améliorée au point de laisser maintenant peu de chose à désirer ? Et si même ces divers problèmes devaient être insolubles, ne laisseraient-ils pas toujours subsister, à l’avantage du bâtiment cuirassé, la cause de supériorité militaire qui lui appartient sur tous les navires construits avant lui ? Cette cause de supériorité, c’est un degré d’invulnérabilité et d’incombustibilité qui existera toujours, comparativement avec les constructions en bois, et que rien ne peut enlever au navire cuirassé, lors même que l’on inventerait une nouvelle artillerie qui traverserait les cuirasses comme l’ancienne traversait les murailles de bois. Cela peut arriver, mais cela n’est pas, et si la chose était, elle n’empêcherait toujours pas la supériorité de force de résistance que possède le fer de persister et de s’imposer comme élément de construction pour les navires destinés à braver le feu.

Tel que nous le construisons aujourd’hui, le bâtiment cuirassé brave impunément, même aux plus courtes distances, tous les projectiles incendiaires, asphyxians, tous les boulets creux que l’on a déjà expérimentés ; ils se brisent en éclats inoffensifs contre ses murailles. Cela seul suffirait pour établir sa supériorité. Quant au boulet plein, la cuirasse de 12 centimètres ou 4 pouces 1/2 anglais d’épaisseur n’a rien à redouter des projectiles de petit calibre ; elle ne se laisse entamer que par les gros calibres, et encore dans un