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s’adresser aux prêtres hussites, qu’aucun d’eux n’avait violé, les compactats, qu’aucune infraction aux bonnes mœurs n’était restée impunie. Le doyen Hilaire de Leitmeritz prononça aussi quelques mots pour la justification de ses frères, et sans s’expliquer sur la valeur des compactats, protesta, de son amour pour la paix. Après ce colloque, le roi fit connaître le sujet de sa querelle avec le saint-père, exposa les motifs de L’emprisonnement de Fantin, et défendit que personne intervînt en sa faveur. On remarqua beaucoup un des incidens de la séance. Rokycana s’étant plaint de la désobéissance d’un de ses prêtres : « Maître, dit le roi d’un ton sévère, tu veux toujours que tout le monde t’obéisse, et toi, tu n’obéis à personne. » Craignant sans doute que les chefs du clergé hussite, animés par la lutte et confians dans l’énergie du roi, ne se crussent dispensés de l’équité, il voulait montrer que, s’il était résolu à maintenir l’église nationale, il était avant tout le grand justicier de la Bohême, le protecteur du droit commun.


V

L’arrestation d’un légat du pape par le roi George produisit une impression extraordinaire non-seulement en Bohême et en Allemagne, mais dans toute la chrétienté. La lutte était décidément ouverte entre George de Podiebrad et Pie II. Quels événemens allaient sortir de là ? Serait-ce la guerre ? serait-ce une croisade contre l’hérétique ? Les deux ennemis avaient les yeux fixés sur l’Europe, celui-ci pour trouver un successeur au roi de Bohême, celui-là pour écarter les intrigues et conjurer l’orage. Une lettre de l’empereur au saint-père, en date du 1er octobre 1462 (six semaines après les événemens dont nous venons de faire le récit), nous apprend que déjà un prince étranger, on ne sait lequel, avait sollicité à Rome le titre de roi de Bohême.

C’était demander trop tôt une mesure qui, ne pouvant être soutenue à demi, exigeait de vastes ressources et une guerre à outrance. L’heure des grands coups n’avait pas encore sonné. Au contraire les premiers événemens, de cette période nouvelle sont favorables au roi George. Le prince auquel Pie II devait s’adresser tout d’abord pour combiner avec lui la déposition de Podiebrad, l’empereur Frédéric III, avait été fort mécontent de la suppression des compactats, non qu’il éprouvât la moindre sympathie pour la cause religieuse des Tchèques, mais parce que, menacé d’une insurrection en Autriche, il prévoyait qu’il aurait besoin avant peu de l’énergique secours du roi de Bohême. L’explosion fut plus prompte qu’il n’avait cru. Le 28 octobre, un seigneur, autrichien nommé André Baumkircher arrivait de Vienne à Prague à bride abattue,