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de renier ma foi et mon Dieu, c’est une étrange erreur, une erreur que rien de ma part n’a pu autoriser ; je n’en suis pas responsable. Or, pour qu’il n’y ait plus nul doute à cet égard, sachez tous que nous resterons éternellement fidèles à la communion sous les deux espèces, je dis nous tous, moi, le roi, ma femme assise à mes côtés et tous mes chers fils qui m’entourent, et non-seulement nous resterons fidèles à notre foi jusqu’à la dernière heure, mais, s’il faut y sacrifier notre couronne et notre vie même, nous sommes prêts. »

Le roi avait prononcé ces paroles avec une si vive émotion, que l’assemblée presque tout entière ne put retenir ses larmes[1]. On agita ensuite la question de savoir si les compactats, malgré le décret du pape, devaient toujours être considérés comme la loi fondamentale du royaume. Le roi fit lire aux états le récit officiel des négociations des hussites avec le concile de Bâle, le texte authentique des compactats, les confirmations scellées du sceau des rois ses prédécesseurs, Sigismond, Albert, Ladislas, et après avoir ainsi confronté le décret de Pie II avec les titres imposans du droit public de la Bohême, il demanda que chacun des assistans répondit à cette question : « Si quelqu’un, au sujet des compactats, attaqué le roi ou le royaume, soit l’outrage à la bouche, soit les armes à la main, êtes-vous prêt à le défendre ? » La séance fut suspendue quelque temps pour que l’assemblée pût délibérer. Les députés, comme on devait s’y attendre, se divisèrent en deux groupes. Les véritables représentans du pays, les députés hussites, s’empressèrent de parler les premiers ; Kostka, leur interprète, remercia le roi, la reine, leurs enfans, de cette généreuse profession de foi qui allait enflammer la Bohême, et déclara au milieu des acclamations de ses amis qu’ils étaient tous résolus à donner leurs biens et leur sang pour la défense du trône. Les catholiques ne pouvaient tenir ce langage ; ils avaient deux maîtres à servir, le roi et le souverain pontife. C’étaient presque tous des membres de la haute noblesse, seigneurs et barons ; leur chef, Zdének de Sternberg, promit au roi l’assistance de ses amis en tout ce qui ne serait pas contraire aux instructions du saint-siège. On comprend que le roi n’ait pas été satisfait d’une telle réponse. Il n’y avait pas de concordat au XVe siècle, le pape s’attribuait le droit de régenter tous les états chrétiens ; dans une lutte entre Pie II et le roi George, les catholiques n’avaient pas de mesure pour discerner le juste de l’injuste, ils ne pouvaient plus obéir qu’à un seul maître, et ce maître était un souverain italien. Le roi, tout mécontent qu’il était, dit aux évêques

  1. Ad cujus professionem fere tota synodus, aut pro majori parte, prœ fletu effudit lacrymas, comme dit le greffier, témoin de ces grandes scènes.