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animés par la vapeur, de ces bruits féconds qui annoncent la fièvre de la matière en train de créer, de ces divers mouvemens fantastiques exécutés par de gigantesques automates aux formes étranges, se dégage l’idéal de la Grande-Bretagne : faire l’homme riche en augmentant chaque jour la puissance du travail par le concours de toutes les énergies de la nature.

À côté des conquêtes de l’utile, les Anglais ont voulu placer la contemplation du beau et des œuvres d’art. C’est à cette idée que répond la galerie de tableaux annexée à l’exposition industrielle. Il suffit d’indiquer l’existence de cette collection, où se trouvent représentées toutes les écoles de l’Europe, et qui exigerait par conséquent un autre ordre d’étude. Dans toute entreprise du genre de l’exposition internationale, les Anglais ne perdent non plus jamais de vue les besoins matériels ; du Jardin zoologique au Palais de cristal, on trouve à dîner, si l’on veut, dans un restaurant attaché à l’institution. C’est en effet un principe tout britannique qu’un estomac vide prédispose mal au plaisir des yeux et à la lucidité du jugement. Le comité a en conséquence cédé à un Français et à un Anglais pour une somme considérable le privilège de vendre les rafraîchissemens, qui se trouvent distribués en trois classes. Toute une aile du bâtiment qui s’étend en face des jardins de la Société d’Horticulture a été consacrée à cet ordre de service.

L’Angleterre donne pour la seconde fois au monde un grand spectacle, celui du monde lui-même représenté par les produits de tous les climats et par l’industrie de toutes les races. Je laisserai volontiers au jury de l’exposition la tâche délicate de prononcer entre les états de l’Europe et de décerner les prix au plus digne. La vue de ces richesses du travail, réunies dans la même enceinte, me fournit une leçon de respect et d’estime pour tous les peuples de la terre bien plutôt qu’elle ne m’inspire une idée d’égoïsme national et de jalousie. Les caractères des diverses industries relatives aux différentes sociétés me montrent dans toute race comme l’incarnation d’un don particulier, ils m’enseignent que le concours des forces de chaque groupe de la famille humaine est aussi nécessaire à la prospérité de tous que l’échange des produits mutuels entre les climats du globe terrestre. Les uns s’attachent aux fleurs de la civilisation, les autres aux fruits ; mais par la variété même de leurs efforts tous contribuent à l’unité du bien-être. Ainsi envisagée, cette grande foire industrielle est un terrain neutre où les peuples doivent se rapprocher et éteindre leurs divisions dans la noble rivalité de la science et du travail. Faut-il pour cela proclamer dès ce moment le règne de la paix universelle et déclarer que l’ouverture du palais de South Kensington a fermé les portes du temple de Janus ? L’exposition de