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tres points de vue, elle ne prend aujourd’hui dans le monde une place considérable que par son industrie, source de toute véritable opulence et de toute influence politique. Le Portugal, quoique avec un territoire beaucoup plus limité, développe à côté des produits du sol, de ses vins et de ses eaux de fleur d’oranger, quelques appareils et quelques produits artificiels qui témoignent du désir généreux de reconquérir par le travail ce qu’il avait perdu en d’autres temps au milieu des tremblemens de terre et des aventures maritimes, mais surtout par l’action énervante d’un ancien régime despotique.

Un intérêt particulier s’attache à l’Italie, qui apparaît pour la première fois à l’exposition de 1862 dans son unité. Cette unité n’est point encore complète, je l’avoue ; mais du moins Milan, qui figurait en 1851 sous la bannière de l’Autriche, et le royaume des Deux-Siciles, qui occupait une place à part, se trouvent aujourd’hui fondus, comme ils doivent l’être, dans une seule et même nation. Ce que l’industrie italienne perdait au morcellement, ce qu’elle gagnera à l’assimilation des forces d’une grande famille sous la main d’un gouvernement constitutionnel, c’est le secret de l’avenir. Dès ce jour, elle s’annonce comme en voie de progrès. Le lien qui existe entre les institutions politiques et les conquêtes du travail se montre avec éclat dans la cour italienne du palais de Kensington. L’Italie commande l’attention par une immense variété de produits naturels ou que l’art a transformés : de l’ambre, du corail, des cristaux, des cocons, le ver à soie lui-même, dont une curieuse collection illustre toutes les maladies, les développemens et les métamorphoses ; des étoffes de luxe ou d’utilité journalière, des gants de byssus, des mosaïques, des statues, des miroirs, des lits splendides, qui prouvent que le goût de la magnificence ne s’est point perdu dans la patrie des Médicis. Au milieu de toutes ces pompes, qui n’excluent point le développement de quelques autres branches d’industrie plus obscures, quoique non moins importantes, je ne m’arrêterai qu’aux poteries et aux instrumens scientifiques. Le groupe de porcelaines, imitations d’anciennes faïences, et les articles en majolique provenant de la fameuse fabrique de Doccia, près de Florence, sont l’objet d’une admiration bien légitime[1]. L’origine de cette fabrique remonte aussi loin que 1735, l’année où elle fut fondée par un patricien, Carlo Ginori ; elle passa ensuite entre les mains de son fils Lorenzo et d’un autre descendant de la famille, Carlo Leopoldo, qui attacha des écoles de dessin à son établissement pour répandre le sentiment de l’art parmi les enfans de la classe ouvrière. Aujourd’hui cette même fabrique ap-

  1. La Toscane a l’honneur d’être une des premières contrées qui aient cultivé depuis les temps modernes une branche de travail dont elle retrouva plus ou moins les prototypes dans les vases étrusques. Deux sculpteurs florentins, Lucca della Robbia et Benvenuto Cellini, inventèrent l’art de travailler l’argile et de la brunir avec de l’or.