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mythes parlant de ce breuvage divin qui, sous les noms de soma dans les Indes, d’ambroisie chez les Grecs, d’odhroerir chez les peuples du Nord, joue un si grand rôle dans les mythologies aryennes. Un bâton qui tourne dans un trou pratiqué au milieu d’une bûche, voilà le point de départ. La plus auguste des conceptions que l’homme ait pu se former de la destinée et de la volonté divine, voilà le point d’arrivée, et c’est une ligne directe qui va de l’un à l’autre. Il faut plonger dans les abîmes de l’océan traditionnel de l’humanité, remonter bien au-delà d’Hésiode et d’Homère pour saisir le point initial du mythe et en suivre les transformations mystérieuses.


I

Tout le monde sait que, selon la mythologie grecque, Prométhée est un titan puni par Jupiter pour avoir dérobé le feu du ciel et l’avoir communiqué aux hommes. Enchaîné sur un rocher du Caucase, chaque jour dl voit un aigle ou un vautour se repaître de son foie, qui se reforme chaque nuit. Cependant le moment doit venir ou un fils de Jupiter, Hercule, grand redresseur de torts, délivrera l’infortuné, et du consentement de son père lui permettra de reprendre sa place parmi les dieux. Tel est en quelques mots le fond de la tradition mythologique, immortalisé par la céramique, la statuaire, la peinture et la poésie. Tel est le fruit dont on a retrouvé le germe égaré dans les ténèbres de l’antiquité la plus reculée.

La linguistique et l’ethnologie comparées, ces deux sciences sœurs, de création récente encore, ont mis hors de discussion le fait que tous les peuples qui couvrent le sol de l’Europe depuis le commencement des temps historiques forment avec ceux qui ont habité dans l’antiquité l’Asie-Mineure, la Perse et l’Inde une même race que caractérisent des traits d’une évidente parenté. Les seules exceptions seraient, en Europe, les Basques, les Magyars, les Turcs, les Finnois, les Lapons et quelques tribus ougriennes et tartares de l’empire russe, et encore ces peuples, surtout les quatre premiers, par leur mélange avec la grande race qui les entoure ou les envahit graduellement, ont-ils été modifiés au point de se confondre presque entièrement avec elle. Dans l’Inde, il faut également distinguer les castes supérieures et conquérantes des populations inférieures, lesquelles passent par degrés insensibles dans le type dravidien et malais, qui prédominait dans l’énorme péninsule antérieurement à l’invasion brahmanique ; mais, ces exceptions une fois reconnues, il est constant que les Hindous, les Perses, les Grecs, les Latins, les Slaves, les Germains, les Scandinaves, les Celtes sont les rameaux divergens d’un même arbre dont il est possible d’assigner le tronc