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ment où les employés du palais déclarèrent qu’il pesait 700 tonnes, et aussitôt l’indifférence se changea en une fièvre de curiosité. Je me soucie naturellement assez peu du poids ; mais l’ouvrage a d’autres titres à notre attention : c’est un spécimen de ces peintures religieuses avec des incrustations d’or dont les artistes russes se montrent si curieux. La figure de saint Nicolas, patron de la Russie, exprime bien cet idéal de mysticisme qui répond aux croyances de l’église moscovite. Dans ses arts comme dans son industrie, l’empire du tsar reflète les traits d’une race jeune et envahissante, d’une civilisation tour à tour rude et raffinée ; ce qui lui manque, surtout quand elle touche aux produits manufacturés, c’est un caractère original. On dirait qu’elle a été plutôt faite jusqu’ici pour s’assimiler avec puissance les conquêtes de l’Europe que pour leur ajouter un type. Il n’y a point lieu de s’en inquiéter, la plupart des races adolescentes commencent par l’imitation. Un autre caractère me préoccupe : dans cette nation où tout se fait par oukases, on croirait volontiers que les produits industriels ont été aussi fabriqués par ordre du gouvernement, tant ils se montrent frappés d’un cachet d’uniformité.

Le groupe des nations scandinaves, la Norvège, la Suède, le Danemark, nous montre l’activité de la race finnoise aux prises avec les sauvages obstacles d’un ciel glacé, de longues nuits et d’un territoire avare, du moins si l’on regarde à la variété des produits. La Norvège, cette mère des minéraux, apporte à l’exposition ses humbles richesses, les échantillons des roches qui hérissent ses côtes austères, des minerais de cuivre, des fers plus ou moins travaillés, son huile de foie de morue, son duvet d’édredon, ses fourrures d’animaux sauvages, ses traîneaux, ses harnais pour la toilette du renne, ses bateaux et ses filets destinés à la pêche du hareng. Elle a aussi son luxe : regardez dans une armoire de verre ce paysan avec sa fiancée, chargés l’un et l’autre d’ornemens en or. Durant ses nuits étoilées, nuits de cristal, dit un voyageur, et dont la morne sérénité le dispute à l’intensité d’un froid limpide et sec, la science norvégienne n’a rien de mieux à faire que de contempler la mécanique céleste : de là des horloges astronomiques d’un travail ingénieux[1].

La Suède nous donne une idée de ses mœurs domestiques dans ses poêles de faïence vernie qui sont des monumens, dans ses modèles de fenêtres et de portes bien closes, dans ses paravens et dans

  1. Quoique le climat soit sévère, grâce à de tièdes courans sous-marins qui réchauffent les côtes de la Norvège, grâce aussi aux soins des habitans, il a fourni à l’exposition d’excellentes céréales et presque tous les fruits de nos contrées. On remarque aussi d’admirables sculptures sur bois, œuvres d’artistes norvégiens qui ont débuté dans la vie comme garçons de charrue, et l’un d’eux, M. Glosimodt, reçoit aujourd’hui à Rome une pension de son gouvernement.