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si elle se régénère jamais, que par des emprunts faits à l’Europe.

Un intérêt particulier s’attache à l’Inde, cette alma parens, si, comme le prétendent certains érudits, nos langues modernes, nos institutions et le germe de nos industries dérivent de cette terre féconde, d’où elles se sont répandues par des migrations sur toute l’Europe. Il s’en faut pourtant de beaucoup que la force de la race caucasique apparaisse ici dans tout son développement. La civilisation hindoue se montre à l’exposition ce qu’elle est en réalité, une civilisation immobile, peut-être même une civilisation épuisée. Enveloppée comme Hercule enfant dans les plis et les replis du serpent, la race hindoue aurait peut-être l’intelligence de rompre ses liens, mais la fatalité de ses dogmes l’arrête et l’enchaîne à la nature. D’un autre côté, le régime des castes frappe l’industrie indienne d’un cachet profond d’inégalité en même temps que de routine. C’est la terre des surprises et des contrastes. Si vous regardez aux merveilleux ouvrages de bijouterie, aux draps d’or et d’argent, aux somptueux châles de cachemire, aux voiles et aux moustiquaires qui ressemblent à de l’air tissé, aux palanquins, aux armes relevées de pierres précieuses, vous seriez tenté de croire que vous avez affaire au peuple le plus riche et le plus industrieux de la terre ; mais si vous tournez les yeux vers les costumes et les ustensiles des classes inférieures, il vous semblera rétrograder parmi les sauvages. C’est une erreur commise par beaucoup d’historiens que de juger uniquement d’un peuple par les objets de luxe et par le sentiment de l’art ; ces conditions de goût, de beauté relative, de splendeur traditionnelle, peuvent se rencontrer chez des nations en définitive très peu avancées. Ce sont les fleurs d’un arbre sur lequel on cherche vainement des fruits. Le vrai caractère des races civilisées est dans la diffusion du bien-être, dans la puissance des machines qui créent et répandent la richesse, dans la lutte contre la nature, qu’on force de travailler au profit de tous. Le département de l’Inde, si l’on y joint surtout le musée de Whitehall-Yard, India Museum, d’où a été extraite une partie des objets exposés, est d’ailleurs une histoire complète d’une contrée qui n’a plus de mystères pour la société anglaise. Cette histoire de la vie morale et domestique de l’Inde est racontée par les masques moulés sur les principaux types de la race, les costumes, l’industrie des castes, les jouets d’enfans, les ustensiles de ménage chargés de figures bizarres ou monstrueuses, reflets de dogmes gigantesques et pétrifians qui nous donnent l’idée d’un peuple anéanti devant la contemplation des forces de l’univers. Après avoir parcouru, à travers une antiquité fabuleuse, tous les rêves du panthéisme, la race hindoue semble être arrivée au repos fatal, à ce terrible septième jour des peuples identifiés désormais avec l’immobilité de la nature. Son industrie vit comme tout le reste sur les grandeurs du passé, sur un