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multipliant les griefs dont les puissances avaient à demander la réparation, en infligeant aux armées de l’Europe le spectacle de nouvelles violences. Le gouvernement de M. Juarez frappait d’impôts de guerre les capitaux étrangers aussi bien que nationaux ; il décrétait des contributions forcées sur cinq ou six maisons financières des plus importantes de Mexico. Les édits de mort du mois de janvier contre ceux qui communiqueraient avec les armées européennes étaient maintenus et exécutés. Enfin à quelques lieues, presque à la vue des camps alliés, les autorités mexicaines fusillaient impitoyablement un des hommes les plus distingués du pays, le général Robles Pezuela, sur le simple soupçon de connivence ou d’intelligence avec les chefs de l’expédition européenne. N’était-ce pas là, comme je le disais, la continuation des hostilités à l’abri d’un armistice, et les préliminaires de la Soledad n’étaient-ils pas une chimère décevante qui n’avait d’autre effet en réalité que d’immobiliser les armées combinées ? D’un autre côté, un incident imprévu surgissait tout à coup : c’était le débarquement d’un personnage mexicain qui a joué un des premiers rôles dans le parti conservateur, le général Almonte, qui arrivait à la Vera-Cruz, se présentant comme investi de la confiance de l’empereur Napoléon et comme missionnaire de l’idée monarchique, comme le promoteur de la candidature de l’archiduc Maximilien d’Autriche au trône du Mexique. Lorsque le général Almonte, qui habitait depuis quelques années l’Europe, où il a représenté longtemps son pays, était parti pour le Mexique avec une mission dont il faisait un peu trop parade, on pensait sans doute, il pensait peut-être lui-même, qu’il trouverait la question au moins à demi résolue, et qu’il pourrait exercer une influence favorable ; il arrivait au contraire au milieu d’une situation qui n’avait fait un pas que dans la confusion. Il n’était pas seul d’ailleurs ; il était suivi d’autres émigrés : le père Miranda, un prêtre actif et énergique, mêlé à tous les mouvemens réactionnaires ; M. Haro y Tamariz, qui a eu son rôle dans les révolutions mexicaines comme un des chefs du parti conservateur. Une fortune compromettante jetait ce flot d’émigrés sur le sol du Mexique dans un mauvais moment. — De ces deux ordres de faits, les vexations exercées par le gouvernement de M. Juarez et l’arrivée des émigrés, il ne pouvait sortir que des occasions nouvelles de conflit, et cette fois le choc ne risquait-il pas d’être décisif en faisant disparaître les préliminaires de la Soledad et la conférence, en, achevant de jeter le désordre dans T intervention européenne et en suspendant tout au moins le traité du 31 octobre ?

Je touche ici au plus vif de cet imbroglio, qui commence par une escarmouche diplomatique assez vive, quoique toujours cordiale, entre l’amiral Jurien de La Gravière et le général Prim, pour finir par